5G - Une synthèse claire - des détails utiles

Image La Croix

 Le dossier très complet dont le lien est proposé ci-après ,  a été envoyé par un collectif de consommateurs avertis et qui réfléchit aux implications des nouvelles technologies sur l’environnement et la santé. 

A un moment où les opérateurs de téléphonie sont invités à sortir leurs milliards d'euros pour payer les fréquences offertes par l'Etat et ainsi pouvoir  en gagner beaucoup plus , le peuple des Amish continue d'essayer de comprendre ce que cela implique pour lui.


L' énorme travail de présentation de la 5G sous tous ses aspects , du texte présenté, aborde tous les thèmes susceptibles de soulever des questions et aider ainsi   à une compréhension globale des implications de cette 5G imposée:
- la technologie
- l’économie
- l’environnement
- la santé
- la politique

Pour ceux que la longueur de cette étude très fouillée, mais très claire  pourrait rebuter  à priori, il y a la possibilité , comme souvent , de commencer par lire la conclusion , page 52.

Dossier5G-Juillet2020-1.pdf

On peut retenir aussi  en exemple ce  passage qui  pose la base des conflits exposés alors que le souci principal de la population est bien de   protéger la santé et le cerveau tout en  préservant  le meilleur  environnement possible pour les générations suivantes.

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" L’ensemble du débat sanitaire sur la 5G repose donc sur un conflit de plus
de trente ans entre l’ICNIRP, l’OMS, le projet CEM (EMF project) et une partie
de la communauté scientifique. Le problème majeur avec l’ICNIRP et le projet
CEM est que ce sont les mêmes personnes et les mêmes réseaux qui échan-
gent en vase clos depuis 1992. De plus, des conflits d’intérêts existent avec
les membres de ces deux organismes et peuvent mettre en doute la validité
de leurs recommandations. Aujourd’hui, on ne peut donc pas assurer que les
radiofréquences et les micro-ondes n’aient aucun effet sur la santé dans la
mesure où l’ICNIRP et le projet CEM de l’OMS utilisent leurs positions pour
amoindrir tout résultat qui contredirait leurs recommandations."

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 On a signalé que le lien vers l'article concerné  était non-opérationnel

Une copie de secours, sans les images, est donc ajoutée ici ..... mais la mise en page s'avère , pour le moment, complètement impossible.

 apprendre,

réfléchir,

décider ensemble

Juillet 2020

Attribution - Pas d’Utilisation Commerciale - Partage dans les Mêmes Conditions 4.0 International (CC BY-NC-SA 4.0)

Note au lecteur :

Ce long document introduit des éléments complexes sur beaucoup de thématiques et a été pensé pour aider élus locaux et citoyens à prendre une décision renseignée sur la 5G. Ce rapport a été écrit afin que chacun puisse le comprendre si un temps de concentration nécessaire lui est accordé. Désactivez vos notifications, imprimez le document si nécessaire, asseyez-vous confortablement et accordez-vous le temps de comprendre. Bonne lecture.

Sommaire

La controverse p.5 

Contexte général p.6 

Comprendre l’infrastructure 5G p.8 

Controverse économique p.13 

Controverse énergétique p.18 

Controverse foncière p.28 

Controverse sanitaire p.34 

Controverse d’usages p.43 

Controverse géopolitique p.48

 Conclure ensemble p.52 

Bibliographie p.56

La controverse

L’Union Internationale des Télécommunications a désigné la 5G comme la prochaine génération de réseaux mobiles. Ce nouveau réseau viendra s’empiler sur les générations précédentes de la 3G et 4G. Afin d’augmenter la vitesse de transfert des données numériques (octets) ce réseau utilisera à terme les ondes millimétriques, c’est-à-dire que leur longueur d’onde va de 1cm à 1 mm. En France l’ARCEP, le régulateur national des réseaux télécom, a débloqué une bande allant de 3,4 à 3,8 GHz ainsi que la bande à 26 GHz pour l’usage de la 5G. Dans un scénario optimal, l’usage de ces nouvelles bandes permettra un débit multiplié par 10 et un délai de transmission divisé par 10.1

Le débit, la fiabilité ainsi que la vitesse de l’infrastructure 5G représentent un socle pour l’implémentation des prochaines technologies et infrastructures connectées2 : voitures autonomes, Internet des objets (IoT), streaming vidéo en réalité virtuelle ou augmentée, jeu vidéo en streaming (Google Stadia par exemple). C’est pour cela que la 5G a été nommée “technologie clé” par la plupart des industriels et des gouvernements dont le gouvernement français, elle représente un point de bascule qui nous fait ajouter un nouveau système numérique à des systèmes plus “anciens.”3 Déployer massivement la 5G revient a priori à signer, ou en tout cas à mettre une caution, pour l’ensemble des technologies qu’elle tire dans sa traîne. Cela ne veut toutefois pas dire que des voitures autonomes seront massivement déployées dès que le réseau 5G sera opérationnel car ces technologies comportent aussi leur lot d’incertitudes et de limites. Mais le déploiement massif de ce réseau est présenté par les acteurs industriels et financiers comme la condition sine qua non pour le déploiement massif de toutes les autres technologies.

Le déploiement de quelques antennes sur certains territoires pour un usage précis ne se révèle pas problématique, c’est par contre la massification d’une infrastructure à l’échelle nationale et internationale qui est le centre de la question. Décider du déploiement massif d’une technologie clé résulte d’un choix technologique qui devrait être un choix de société. En cela la consultation citoyenne et la décision collective devraient être primordiales car ce choix socio-technologique risque de nous enfermer collectivement dans un chemin donné (smart city, voitures autonomes, etc) et réduit de fait nos capacités à nous diriger vers d’autres voies plus souhaitables et soutenables.

Il est donc logique que des débats et des résistances se cristallisent aut- our de cette nouvelle infrastructure car elle est clé pour un futur formulé par quelques-uns mais pas forcément souhaité par tous.

  1. 1  ARCEP, “Grands dossier : la 5G,” 8 janvier 2020, consulté le 20 mars 2020.

  2. 2  Attila Hilt, “Availability and Fade Margin Calculations for 5G Microwave and Millimeter-Wave Any-

haul Links,” Appl. Sci., vol. 9, no. 23, 2019.
3 Non pas que l’ancien soit remplacé, il s’agira d’un empilement technologique comme c’est sou-

vent le cas dans l’histoire des techniques.

4 Alors que les industriels concernés (Nokia, Cisco, Huawei, etc) voient un relais de croissance économique et que les acteurs économiques et financiers voient des nouveaux marchés et de nouvelles possibilités d’investissements rentables, quel sera le prix à payer par les écosystèmes déjà fragiles et sur- exploités, quelles seront les nouvelles formes d’exploitation de travailleurs précaires ?

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D'autres facteurs favorisent potentiellement l’émergence de résistances et de questions légitimes par rapport à la 5G : crise environnementale planétaire, contexte géopolitique explosif, crises sanitaires, méfiance vis-à-vis des géants d’Internet, surveillance des citoyens accrue et complotisme. Le but de ce rapport est de présenter une grande partie des controverses identifiées sur la 5G afin d’offrir un panorama suffisamment clair pour informer un choix. Il est important de préciser que je ne prétends pas à une posture neutre ou “objective” en faisant cet exercice. L’écriture de ce rapport a imprégné mon propre choix et influence de fait mon analyse des coûts et des bénéfices sur la question de la 5G. Tous les acteurs engagés sur le sujet disposent et déploient un programme avec des intérêts économiques, sociaux et politiques forts et aucun ne pour- rait donc disposer d’une posture neutre. La question est plutôt d’identifier les conséquences des programmes proposés par ceux qui sont en situation de pouvoir (groupes industriels et financiers, gouvernements,...) et les causes de la résistance face aux discours déployés.

Contexte général

En premier lieu il est important de rappeler que le contexte de cette controverse s’appuie sur une situation unique dans nos sociétés : la crise environne- mentale planétaire. Cette situation influe à la fois sur les politiques nationales et internationales d’un grand nombre de gouvernements. Par exemple la France a signé l’accord de Paris et a émis une stratégie nationale bas carbone (SNBC). À défaut d’être un mouvement politique mis en application uniformément dans tous les secteurs, la crise environnementale est un centre de gravité pour le discours politique. À ce titre il est primordial d’analyser chaque grand déploiement technologique à la lumière de sa soutenabilité et de sa pertinence dans un contexte de transitions sociale, écologique, énergétique et donc technique.

Au niveau international, l’arrivée ou le maintien de plusieurs dirigeants inconstants aux États-Unis, au Royaume-Uni, au Brésil, en Inde, en Arabie Saoudite etc.. provoquent une fébrilité générale ponctuée par une série de crises politiques, énergétiques, commerciales, militaires : Yémen, Qatar, Syrie, Iran, Chine, ... Les politiques commerciales de cette nouvelle scène internationale rompent avec les habitudes libre-échangistes. La guerre commerciale entre la Chine et les États-Unis a démontré la complexité du multilatéralisme : les États-Unis veulent sanctionner leurs alliés utilisant les équipements Huawei pour leur déploiement 5G car, sous couvert d’espionnage, ils craignent la mainmise d’industriels chinois sur cette infrastructure clé. Malgré cela, le Royaume-Uni, pourtant fidèle allié des U.S.A., a toutefois décidé de maintenir Huawei dans son déploiement 5G. De son côté, le Canada a suivi la position américaine en participant à l’arrestation de la directrice financière de Huawei sur son sol. La 5G cristallise la réorganisation des relations de pouvoir au niveau international.

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La 5G est une infrastructure déployée par des opérateurs télécom et toute une longue chaîne de sous-traitants. Le déploiement de cette nouvelle infra- structure s’inscrit dans plusieurs tendances et observations : l’explosion du nombre de smartphones, l’évolution du trafic mobile des données, la faible rentabilité de la 4G (notamment en France) et donc la recherche de rentabilisation des investissements de la 4G et de nouveaux leviers de croissance pour les opérateurs.

Cisco estime qu’en 2018, il y avait 8,8 milliards d’appareils mobiles actifs (téléphones, tablettes) pour 3,9 milliards d’utilisateurs et que l’on atteindra 13,1 milliards pour 5,3 milliards d’utilisateurs en 2023.5 Dans le même rapport, Cisco estime que la 5G pourrait atteindre 1 milliard d’utilisateurs d’ici 2023. Tous ces nouveaux appareils seront utilisés pour consulter des sites inter- net, des vidéos, utiliser différentes applications professionnelles et produiront donc un trafic de données conséquent. Les connexions d’appareils mobiles représentaient 8% du trafic mondial de données en 2016 et potentiellement 20% en 2021.6 De même, on estime que les vidéos constitueront 78% du trafic mobile d’ici 2021, contre 60% en 2016. En résumé, tant du côté de la production et de l’achat des équipements utilisateurs (téléphones, tablettes, etc) que du côté du trafic, l’augmentation projetée est colossale. L’impact des vidéos sur le trafic mobile peut notamment mettre les réseaux cellulaires en tension, obligeant les opérateurs à investir toujours plus dans l’infrastructure 4G et au-delà.

Paradoxalement à la croissance observée du côté des appareils connectés et du trafic, les opérateurs télécoms français n’ont pas trouvé la rentabilité espérée : les investissements dans l’infrastructure télécom pèsent en effet très lourd dans leur modèle économique. La Fédération Française des Télécoms estiment que les opérateurs sont les plus gros investisseurs privés en France avec 10 milliards d’investissements en 2017,7 bien loin devant le routier, l’énergie, le ferroviaire, etc. Dans un autre contexte, les opérateurs télécoms américains ont de leur côté augmenté leurs revenus d’année en année. Second facteur à prendre en compte : le prix des forfaits est relativement faible en France par rapport aux autres pays européens (les dépenses en services de télécom représentaient 2% des dépenses des ménages français en 2017, bien moins qu’aux États-Unis). La Fédération Française des Télécoms estime que : “La conjugaison de la baisse des revenus - qui s’est confirmée en 2017 - et de la progression des investissements met le secteur français des télécommunications sous tension : malgré des efforts de productivité, le « cash-flow » (flux de trésorerie) du secteur diminue, fragilisant les capacités d’investissement dans l’innovation et les réseaux du futur.”8 Dans la même lignée, Stéphane Richard justifiait en 2018 dans le Parisien la création de la banque Orange comme “une réponse stratégique au constat que dans la connectivité, notre cœur de métier, la croissance est quasi impossible à obtenir” et rappelant que “on l’a bien vu sur la 4G, on a investi en pensant pouvoir rentabiliser mais personne n’y est arrivé”. Le déploiement et la densification du réseau 4G n’a donc pas été synonyme de croissance du fait des investissements énormes que celui- ci représente.

  1. 5  Cisco, “Cisco Annual Internet Report (2018–2023),” consulté le 20 mars 2020.

  2. 6  Cisco, “Visual Networking Index 2016-2021,” consulté le 20 mars 2020.

  3. 7  Fédération française des Télécoms, “Économie des Télécoms 2018,” consulté le 20 mars 2020.

  4. 8  Ibid.

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 Toutefois les supports, stations, antennes et les câbles installés sur le territoire français peuvent servir au déploiement partiel de la 5G donc possiblement rentabiliser l’infrastructure déjà existante. De même l’utilisation de la 5G pourrait créer des nouveaux marchés possiblement rentables pour les opérateurs quand ils auront déployé le “coeur” de l’infrastructure 5G.

Ces derniers arguments reposent finalement sur deux idées économiques bien connues. Premièrement, le facteur technologique en théorie économique a deux effets distincts et parfois superposables : soit la “technologie” sert à optimiser et réduire les coûts de production, soit elle sert à créer de nouveaux marchés et de nouveaux usages. La communication autour de la 5G se réfère principalement à ce deuxième effet en promettant de nouvelles appli- cations dans l’Internet des Objets (IoT), l’industrie, etc. Deuxièmement, il est généralement avancé qu’à cause de leur investissement considérable dans leurs infrastructures, les opérateurs télécom augmentent en conséquence le Produit Intérieur Brut (PIB). La Fédération française des télécoms affirment qu’un euro d’investissement9 des acteurs télécoms amènent à la création de six euros dans l’économie nationale.10 Cette hypothèse repose en partie sur une étude publiée et financée en 2013 par Arthur D. Little et Ericsson, un des trois équipementiers principaux sur le marché 5G aujourd’hui. Cette publication estime que doubler la vitesse de la connexion haut-débit permettrait d’augmenter le PIB de 0,3% par an (année de base : 2008).11 Au-delà du simple engouement technologique, le déploiement de la 5G repose en partie sur un socle d’idées économiques plus ou moins récentes mais dont la ténacité n’est cependant pas à sous-estimer.

Comprendre l’infrastructure 5G

Comme expliqué précédemment la 5G repose sur une première bande de 700 MHz qui sert aujourd’hui partiellement à la 4G, une seconde bande allant de 3,4 à 3,8 GHz, une troisième de 26 GHz. Ces trois bandes répondent différemment aux trois critères clés de couverture du réseau mobile : portée, débit et pénétration à l’intérieur des bâtiments. La bande de 700 MHz, celle de la 4G, a, comparativement aux autres bandes, un faible débit, une grande portée et une très bonne pénétration à l’intérieur des bâtiments. La bande de 3,4-3,8 GHz est appelée “fréquence coeur 5G” car elle offre le meilleur compromis entre portée, débit et pénétration. La bande 26 GHz a un excellent débit mais peu de portée et pénètre difficilement à l’intérieur des bâtiments.

9 Cela renvoie directement à la théorie de l’effet multiplicateur de Keynes, cette théorie a été large- ment attaqué par les économistes néolibéraux, notamment par Milton Friedman.

  1. 10  Fédération française des Télécoms, “Économie des Télécoms 2018,” consulté le 20 mars 2020.

  2. 11  Arthur D. Little, “Socio Economic Effects of Broadband Speed,” Ericsson, Septembre 2013, p.2,

consulté le 20 mars 2020.

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Comparatif des différentes bandes assignées à la 5G

Pour diffuser une onde qui transmet et reçoit une information sur un réseau numérique, plusieurs éléments sont nécessaires : un support (tour, mât, toit d’immeuble) pour diffuser le signal sans obstacle proche, une station pour recevoir tout l’équipement réseau, une antenne reliée à la station pour émettre et recevoir le signal, une connexion entre la station et le réseau fibré ou câblé pour transmettre l’information et le réseau fibré lui-même (backhaul). L’utilisation des différentes bandes de fréquence de la 5G ne font pas nécessaire- ment appel aux mêmes supports, aux mêmes stations, aux mêmes antennes et demandera une augmentation du réseau fibré.

Portée des antennes sur les 3 bandes de fréquence 5G

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La bande de 700 MHz sert déjà à la 4G donc une mise à jour des antennes sera nécessaire mais elle servira surtout de base à la couverture longue distance du fait de la longue portée de ces ondes (quelques kilomètres en fonction des conditions d’implémentation). Les nouvelles antennes seront a priori installées sur les stations 4G déjà existantes et le réseau fibré devra être renforcé pour supporter l’augmentation du trafic que sous-tend la 5G.

Contrairement aux 700 MHz, la bande de 3,4-3,8 GHz permet un compromis central entre haut débit et portée. Toutefois ces nouvelles antennes auront une portée d’un kilomètre ou deux et pénètreront un peu mieux dans les bâtiments que la fréquence à 26 GHz. Elles nécessiteront parfois de nouveaux supports et s’installeront aussi sur les points élevés de l’environnement urbain (immeubles, tours, etc). Ces antennes se diviseront généralement en deux types d’antennes : des macro cells pour des stations qui traiteront plus de trafic et les small cells qui garantissent un débit élevé aux endroits précis où elles sont déployées. On peut voir la macro cell comme un noeud principal qui déploie ses small cells autour de lui. Ces dernières seront majoritairement présentes dans l’environnement urbain.

Support métallique avec différentes antennes pour les fréquences 2G/3G/4G

Antenne et station 5G déployée à Lyon (Orange)

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La bande des 26 GHz a un excellent débit (1 Gb/s, soit 0,125 Mo/s) mais une portée réduite et une faible pénétration: certaines parois vitrées sont par exemple un obstacle pour elle. La promesse du très haut débit de la 5G tient majoritairement à l’utilisation de cette bande difficilement compatible avec l’environnement urbain. Pour pallier sa faible portée et sa faible propagation, des centaines voire des milliers d’antennes (small cells) vont être déployées en ville. Les small cells relaient le signal vers les macro cells. Si le chemin direct entre la small cell et la macro cell est bloqué par un obstacle (un arbre par exemple) alors la small cell peut passer par ses consoeurs pour tout de même communiquer avec la macro cell la plus proche. Cette bande demandera un nombre phénoménal d’antennes (type small cells) pour assurer la couverture à très haut débit et elles seront majoritairement installées sur le mobilier urbain (feux rouges, lampadaires). Du fait de sa potentielle visibilité sur le mobilier urbain, les constructeurs d’antennes commencent à proposer des modèles qui se fondent dans le “paysage”: nous reviendrons plus tard sur ce sujet. La densification de ces antennes conduira logiquement à une densification massive du réseau fibré. Comme le remarque ironiquement le PDG d’une entreprise qui déploie des systèmes filaires pour la 5G, la nou- velle génération de technologies sans fil (wireless) reposera plus que jamais sur des fils (wireline).12 Ceci est un point particulièrement important : même si l’utilisation d’une nouvelle fréquence améliore la vitesse de transfert d’une donnée, celle-ci, une fois captée par l’antenne, partira dans le réseau fibré. Une firme internationale de conseil estime que le déploiement massif de la fibre pour la 5G représente un investissement total de 130 à 150 milliards de dollars sur 5 à 7 ans à l’échelle mondiale.13 Ce n’est pas seulement la nouvelle fréquence qui garantit le très haut débit, c’est la mise à jour et le redimensionnement d’une infrastructure de serveurs, d’alimentations, de câbles et de fibres, de backhaul, ...

12 “A game changer, where wireless can no longer exist without wireline,” Raf Meersman (PDG Com- sof), “5G and FTTH: The Value of Convergence,” FTTH Conference, 13 mars 2019, p. 5, consulté le 20 mars 2020.

13 Deloitte, “Communications infrastructure upgrade : The need for deep fiber”, juillet 2017, consulté le 20 mars 2020.

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Enfin, afin de bien poser la question de la 5G, il est nécessaire de comprendre l’infrastructure de celle-ci car c’est cette matérialité qui permet d’articuler toutes les controverses qui vont suivre. La construction et le déploiement d’antennes et de supports, l’aménagement de l’espace urbain public et privé, la sécurité du réseau, tout cela dépend de la nature même des ondes utilisées pour fournir un très-haut débit (un gigaoctet par seconde) dans des zones urbaines. Il reste à déterminer les coûts économiques, sociaux, environnementaux, sanitaires de ce débit et de sa faible latence par rapport à ses bénéfices potentiels.

Schéma simplifié d’une installation 5G dans l’espace urbain

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Controverse économique

Le premier coût important de la 5G est l’achat de blocs de fréquences sur la fourchette 3,4-3,8 GHz. La bande de 700 MHz a déjà été attribué aux opérateurs fin 2015 en France, et la bande de 26 GHz est toujours en phase expérimentale. Aujourd’hui, l’État français a mis en vente 310 MHz de fréquences dans la bande 3,4-3,8 GHz pour un prix total de 2,17 milliards d’euros minimum. Les opérateurs auront au moins 50 MHz chacun au prix de 350 millions d’euros et ne pourront pas avoir plus de 100 MHz. Il y aura ensuite 110 MHz à se partager entre les opérateurs par blocs de 10 MHz mis aux enchères au prix d’entrée de 70 millions d’euros, pour un prix total de 770 millions d’euros minimum. Voici comment le prix de 2,17 milliards d’euros est constitué.14

Vente de la bande de 3,5 GHz en France

14 (4 bandes de 50 MHz x 350 millions) + (11 bandes de 10 MHz x 70 millions) = 2170 millions soit 2,17 milliards

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Face à une telle somme, il paraît important de comprendre comment la valeur des bandes est calculée. Vu que l’État est propriétaire de ces bandes, les vendre revient à les privatiser. L’achat de ces bandes vient avec un cahier des charges imposé par l’État aux opérateurs acheteurs : assurer la bonne couverture sur tout le territoire et sur les axes de transport, faire émerger de nouveaux services et usages “innovants”, maintenir la concurrence entre les 4 opérateurs et finalement valoriser le “patrimoine” télécom français. Comme toute privatisation d’un bien public, l’État fait appel à la Commission des Participations et des Transferts (CPT) pour établir le prix de vente. La CPT a eu recours a trois méthodes d’évaluation. Dans un premier temps, elle a comparé le prix de vente dans sept autres pays,15 l’Allemagne ayant vendu ses bandes pour 2,6 milliards d’euros et le Royaume-Uni pour 2,02 milliards par exemple. Deuxième méthode, elle a déterminé la Valeur Actuelle Nette (VAN) du bien à vendre. Cela consiste à estimer quelles seront les recettes et dépenses générées par l’exploitation du bien en intégrant deux critères sensibles : le revenu moyen par utilisateur (Average Revenue per User ou ARPU) et le volume du trafic. La Commission a estimé le revenu moyen par utilisateur à 14,3€ évoluant jusqu’à 17€ en 2034 et un volume de trafic atteignant 55 à 65 Go par utilisateur par mois en 2034, soit 6 fois le trafic mobile mensuel en France en 2019.16 Parallèlement la CPT a aussi estimé les dépenses d’investissement et d’exploitation, les coûts commerciaux et le coût du “coeur de réseau” 5G, c’est-à-dire l’aménagement de centres de données qui font l’interconnexion avec les autres réseaux et traitent un plus large volume de données. La dernière méthode utilisée est une analyse économétrique qui étudie ce qui fait varier le prix des fréquences, toutefois la commission n’a pas retenu cette analyse à cause de sa variabilité. Au final, le prix des fréquences est calculé pour s’aligner sur le prix de vente des autres pays et par rapport aux recettes, investissements et coûts estimés des opérateurs pour un certain trafic. La Commission elle-même transmet ses doutes quant à ses estimations en fournissant une fourchette large de 1,001 à 3,170 milliards d’euros pour “traduire l’incertitude inhérente au modèle économique d’une technologie innovante”.17 Le gouvernement a choisi le milieu de la fourchette pour établir le prix de vente.

Ce qu’il faut comprendre de cette estimation de prix, c’est que les opérateurs seront verrouillés dans une logique d’investissements lourds pour une rentabilité incertaine sur l’hypothèse que le trafic augmentera de façon croissante jusqu’en 2034 au moins (55 Go). La seule façon d’augmenter les recettes sera de réduire les coûts d’investissements et d’exploitation, d’espérer le dévelop- pement d’usages suffisamment massifs justifiant l’utilisation de la 5G, com- me l’explosion de la vidéo en très haute qualité. Pour lever l’hésitation des opérateurs, l’augmentation du trafic a été posée comme inévitable et la 5G a été présentée comme solution unique à cela. Tout cela ne concerne que la

15 Allemagne (2,634 milliards), Corée du Sud (5,164 milliards), Espagne (1,208 milliard), Finlande (0,740 milliard), Irlande (0,750 milliard), Italie (5,966 milliards), Royaume-Uni (2,026 milliards). L’Italie et la Corée du Sud ont été écarté du calcul à cause des montants hors normes de leurs ventes respectives. C’est donc une moyenne “à la carte” qui a été sélectionnée.

16 Cela semble être une projection de trafic plutôt prudente, par contre les opérateurs visent généralement un ARPU de 20$ pour être profitable.

17 Commission des Participations et des Transferts, “Avis n° 2019-A. -8 du 22 novembre 2019 relatif à l’évaluation de lots de fréquences hertziennes dans la bande de 3,4-3,8 GHz,” 22 novembre 2019, p.10, consulté le 20 mars 2020.

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bande 3,4-3,8 GHz et la bande 26 GHz demandera un investissement plus lourd (multiplication des small cells) qu’aucun opérateur télécom français ne semble capable de supporter aujourd’hui.18 Toutefois, certains opérateurs aux États-unis et en Chine s’essayent aujourd’hui au déploiement à 26 GHz. Dans tous les cas, les dépenses d’investissements seront élevées pour les antennes (entre 13 000€ et 17 500€ en moyenne par antenne en Europe, 3500€ en moyenne pour mettre à jour les antennes de générateur antérieure19) et certaines innovations techniques de la 5G (network slicing, MIMO, etc) de- manderont des mises à jour des réseaux actuels qui restent à chiffrer. La hausse du trafic mobile est-elle inévitable ? Un autre point peut également faire augmenter les dépenses d’exploitation des opérateurs : la maintenance des équipements. L’infrastructure 5G utilise des nouveaux équipements de pointe assez complexes,20 qui demande du personnel très qualifié pour opérer la maintenance d’un parc d’antennes qui ne fera qu’augmenter et qui s’inscrit dans des géographies urbaines complexes. Toutefois nous ne disposons pas aujourd’hui de données suffisantes pour explorer ce point plus en profondeur, c’est donc une grande inconnue qui pèse sur la promesse de rentabilité. Dans tous les cas les opérateurs semblent accepter de façon passive cet étrange raisonnement économique qui ne garantit en rien leur rentabilité et qui tient plus de la prophétie autoréalisatrice que d’un investissement réfléchi sur le long terme.

Un facteur important n’a pas été précisé car il est peu communiqué aujourd’hui : le prix du forfait. Comme nous l’avons vu précédemment, les coûts d’investissements et d’exploitation modifieront structurellement le prix du forfait mobile 5G. Reste à savoir si les consommateurs français auront les moyens de payer pour les services de télécom au moment où le budget des ménages français stagnent.21 Dans un contexte tout à fait différent, les opérateurs américains fixent leur prix aux alentours des 70$. Il est peu probable que les opérateurs français proposent des tarifs similaires, toutefois une hausse du prix du for- fait 5G est attendue. Si le prix augmente fortement, alors seules les tranches hautes de la population française pourront effectivement avoir accès à la 5G. De même, le cahier des charges de l’Etat oblige les opérateurs à un devoir de couverture du territoire français, urbain comme rural. Or, la portée réduite des ondes à 3,4-3,8 GHz implique une inégalité dans l’installation des antennes en fonction des territoires : une antenne couvrira peu de personnes, et donc peu de trafic, en zone rurale; beaucoup plus d’usagers et plus de trafic seront couverts par la même antenne en zone urbaine. S’ils appliquent vraiment ce devoir de couverture, les opérateurs feront face à un exercice à perte. Il ne semble pas a priori que les territoires ruraux auront massivement accès à la

18 “Unless costs fall dramatically, wireless operators will need to rethink their approach to deploying 5G in these bands and carefully review their business case. Although some of them are already exploring the potential of the use cases described earlier, these use cases are unlikely to generate enough incremental revenue to justify nationwide or near-nationwide deployment in high-band spectrum.” McKinsey & Company, “Are you ready for 5G?,” February 2018, consulté le 20 mars 2020.

  1. 19  La France dispose d’un parc de 220 000 antennes, dont à peu près 80 000 pour la 4G.

  2. 20  “The biggest challenge to our engineering teams and across the industry is simply the higher com-

plexity,” Thomas said. “As we move up to the millimeter wave bands like 28 and 38GHz, we recognize that it’s driven by a very different use case.” Kevin Fogarty, “On The Cusp Of 5G,” Semiconductor Engineering, 29 août 2019, consulté le 20 mars 2020.

21 Insee, “En 2018, la consommation des ménages ralentit plus fortement que le pouvoir d’achat,” 11 juin 2019, consulté le 20 mars 2020.

15

5G dans l’état actuel des choses. Pour donner un ordre de grandeur, le revenu moyen pour l’opérateur par square mile (2,6km2) en zone rurale aux U.S.A. est de $262 alors qu’il est de $248 000 en zone urbaine.22 Au Royaume-Uni, on estime que le déploiement en zone rurale représentera 79% des dépens- es d’investissement totales pour déployer l’infrastructure dans tout le pays. 23 Avec les informations disponibles à ce jour, le déploiement de la 5G n’est pas économiquement viable en zone rurale, sachant que la couverture 4G se fait toujours attendre dans plusieurs départements français. De fait la plupart des technologies soutenant la 5G (beam-forming, network slicing, etc) ont été généralement pensées pour des usages et des contextes urbains, là où se situent la majorité des clients potentiels et le plus gros du trafic. La 5G ne sera pas homogène sur le territoire et tous les cas d’usage qui se basent là-dessus (voiture autonome) semblent peu réalisables.

Comparaison de la couverture et de la rentabilité par station en zone rurale et urbaine

En conclusion, la réalité économique de la 5G engage les opérateurs dans des investissements lourds pour une rentabilité hypothétique, c’est donc un pari très risqué qui les fragilisent financièrement. Les opérateurs suivent simplement le mouvement général basé sur une hypothèse de hausse du trafic “inévitable” et sur l’idée qu’il coûte moins cher de le faire maintenant que de le faire plus tard.24 Cependant, ces coûts d’investissement augmenteront le prix du forfait et auront pour effet de rendre cette infrastructure inaccessible pour une certaine partie des Français et des habitants de territoires ruraux. Loin de favoriser la couverture égale des territoires, la nature même de la 5G et de son infrastructure pourrait exacerber l’écart entre les usagers des zones rurales au pouvoir d’achat moyen mais aux pratiques numériques peu intenses ou non souhaitées; les usagers de zones périurbaines, à plus faible pouvoir d’achat et aux usages numériques intenses; et les usagers de zones urbaines à fort pouvoir d’achat et aux pratiques numériques très intenses. Une étude de Price Waterhouse Cooper, un célèbre cabinet de consultants,25 identifiait que les jeunes hommes habitant en zone urbaine dense et avec un revenu supérieur à $100 000 étaient les plus intéressés par le déploiement de la 5G.

  1. 22  GSMA, “The 5G Guide: A Reference for Operators,” Avril 2019, p.183, consulté le 20 mars 2020.

  2. 23  Edward J. Oughton et Zoraida Frias, “Exploring the Cost, Coverage and Rollout Implications of

5G in Britain,” 2016, p.42, consulté le 20 mars 2020.

  1. 24  Ce mécanisme est appelé “coût d’opportunité”.

  2. 25  PwC, “5G is coming. Consumers are ready,” 5G Consumer Intelligence Series, 2018, consulté le

21 mars 2020.

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Cartographie des acteurs impliqués dans le prix de vente de la bande à 3,5 GHz en France

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Controverse énergétique

Les enjeux énergétiques de la 5G sont de deux ordres : les impacts environnementaux du numérique et l’augmentation du trafic mobile. Le numérique consomme aujourd’hui 3% de l’énergie mondiale, cette énergie servant à fabriquer et à utiliser les équipements de l’infrastructure : centres de don- nées, réseaux et équipements utilisateurs (smartphones, ordinateurs, TV,...).26 Cette consommation d’énergie croît de 9% par an et on estime qu’en 2025, 5% de l’énergie mondiale sera consommée par le numérique.27 C’est le taux de croissance le plus élevé de tous les secteurs industriels. Cette consommation énergétique entraîne bien évidemment des émissions de gaz à effet de serre car le numérique utilise majoritairement de l’énergie carbonée pour fonctionner : charbon, gaz, pétrole. En 2019, le numérique représentait 3,7% des émissions de gaz à effet de serre, autant que l’aviation civile. Ces émissions croissent de 8% par an et pourraient représenter 7,5% des émissions mondiales en 2025, autant que le parc automobile mondial. De plus, le numérique est extrêmement gourmand en métaux: par exemple, un iPhone contient en moyenne 45 métaux différents. Cette extraction de minerais a un coût énergétique, hydrique et écologique dans de nombreux écosystèmes et communautés. L’énergie consommée par le numérique se répartit à part égale entre l’énergie nécessaire à la fabrication des équipements et l’énergie nécessaire à l’utilisation. Cependant, certains équipements demandent énormément d’énergie à la fabrication. Par exemple, à l’achat d’un smartphone en magasin, 80 à 90% de l’énergie a été consommée par sa fabrication (ex- traction des minerais, transport, transformation, assemblage, etc), les 10-20 % restants seront liés à la consommation électrique pour recharger l’appareil pendant quelques années.

26 The Shift Project, “Lean ICT : Vers la sobriété numérique,” octobre 2018; GreenIT, “Empreinte environnementale du numérique mondial,” octobre 2019, consulté le 20 mars 2020.

27 Ibid.

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Consommation énergétique et émissions de GES du “Numérique” en 2019 et 2025

Les principaux facteurs d’impacts environnementaux du numérique sont aujourd’hui la fabrication des équipements utilisateurs et la consommation d’électricité de ces équipements.28 Cela est dû à la masse phénoménale que représentent les équipements utilisateurs : il y a aujourd’hui 6 milliards de smartphones actifs sur Terre et 1,4 milliards de smartphones ont été produits en 2018. À titre d’exemple, le taux de renouvellement d’un téléphone en France est de 23 mois.29 La surconsommation d’équipements utilisateurs est problématique non seulement à cause du nombre de smartphones produits chaque année mais aussi à cause du nombre exponentiel d’objets connectés mis sur le marché. Les impacts environnementaux du numérique se situent majoritairement lors de la production des équipements et de la consommation électrique liée à leur utilisation, et non pas au niveau des centres de don- nées ou des réseaux comme on a l’habitude de le croire. Ceci étant dit, pour être conforme à l’accord de Paris, le numérique devrait réduire ses émissions de gaz à effet de serre de 5% par an, or elles augmentent de 8% par an. Nous accumulons donc un retard de 13%. Ce constat devrait nous orienter sur un plan assez clair : il faut réduire la consommation énergétique du numérique. Cela passe par la baisse de production et le rallongement de la durée de vie des appareils, ainsi que la limitation des usages énergivores du numérique. Sur ce dernier point, il est important de comprendre que la vidéo en ligne représente 80% du trafic mondial, bien loin devant les emails, Netflix à lui seul représentant 15% du trafic mondial avec “seulement” 155 millions de clients.

Flux mondial de données par type d’usages

À ce stade, une digression est nécessaire pour articuler la question de l’énergie. On distingue trois types d’énergie : primaire, finale et utile. On parle d’énergie “primaire” pour les ressources brutes : charbon, gaz naturel, pétrole brut, atome / vapeur d’eau, bois, vent, soleil. Pour rendre ces ressources exploitables, on les transforme en énergie “finale” : on purifie le gaz, on raffine

28 GreenIT, “Empreinte environnementale du numérique mondial,” octobre 2019, consulté le 20 mars 2020.

29 Statista, “Répartition de l’obsolescence technologique des téléphones portables en France en 2019, par durée,” mai 2018, consulté le 20 mars 2020. ; AFOM et TNS Sofres, “Observatoire sociétal du téléphone mobile,” octobre 2007.

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le pétrole, on transforme la vapeur d’eau en électricité, etc. Ce processus de transformation a un taux de perte de 40% en moyenne, nous avons donc besoin de 100% d’énergie primaire pour faire 60% d’énergie finale. L’électricité peut être le produit de la transformation de charbon, de fuel, de gaz, de vapeur d’eau, de barrage hydroélectrique, de vent ou de soleil. L’électricité n’est pas nécessairement propre et ne représente pas la totalité de l’énergie investie. Il faut donc toujours faire attention de ne pas prendre l’électricité comme indicateur de consommation énergétique totale ou comme indice d’impact environnemental car il s’agit d’un indicateur incomplet. Si on s’ex- prime en Watts-heure (Wh), alors on se n’exprime que sur la consommation électrique à l’usage, car les équipements ont besoin d’électricité pour fonctionner, mais elle n’intègre pas l’énergie nécessaire à la fabrication des équipements et à leur possible mise en décharge. Quand on parle de con- sommation énergétique, soyez attentif à ce qu’on vous parle en énergie primaire, exprimée en Joules (J) ou en Tonne Équivalent Pétrole (TEP).

De nombreux débats sur l’efficacité énergétique animent la communauté qui travaille sur la 5G (industriels, équipementiers, laboratoires, consortiums, universités, etc). La problématique énergétique de la 5G est la suivante : déployer la 5G va augmenter les capacités du réseau donc va augmenter le trafic, par 100, voire jusqu’à 1000 fois dès 2025-2030.30 Or, si 1000 fois plus de don- nées transitent à travers le réseau, est-ce que la facture électrique va augmenter de 1000 fois ? Pas si on met en place des technologies permettant l’amélioration de l’efficacité énergétique, c’est-à-dire, arriver à faire transiter plus de données avec la même quantité d’énergie que pour la 4G.

30 De Xiaohu Ge et Wuxiong Zhang, “5G Green Mobile Communication Networks,” 2019, p.204, Qualcomm, “The 1000x Mobile Data Challenge: More Small Cells, More Spectrum, Higher Efficiency,” No- vembre 2013; “It is estimated that the traffic volume in 5G networks will reach tens of Exabytes (10006 Bytes) per month. This requires the capacity provided by 5G networks to be 1000 times higher than in present cellular systems”, Stephano Buzzi et al., “A Survey of Energy-Efficient Techniques for 5G Networks and Challenges Ahead,” IEEE Journal on Selected Areas in Communications, vol. 34, no. 4, pp. 697-709, Avril 2016.

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Différences entre énergie primaire, finale et utile, et données françaises

 Il est fortement probable qu’avec la 5G, le transfert de 1 Gbit (0,125 Mo) par le réseau mobile consomme moins d’énergie qu’avec la 4G, c’est ce qu’on appelle une comparaison à usage constant. La recherche sur l’efficacité énergétique de la 5G se concentre aujourd’hui sur plusieurs secteurs déterminés : l’efficacité énergétique des stations (base station en anglais) et antennes (small cell et macro cell), l’efficacité énergétique du réseau, de son architecture et de ses solutions logicielles, et la génération d’énergie directement sur les stations (via panneaux solaires et batteries par exemple).31 Il est important de rappeler que la recherche sur l’efficacité énergétique se concentre majoritairement sur la réduction de la consommation électrique à l’usage. Le coût énergétique de la fabrication des équipements réseaux, du renouvellement des smartphones compatibles 5G n’est pas inclus. Les questions énergétiques que posent la 5G sont donc les suivantes :

  • Est-ce que l’amélioration de l’efficacité énergétique des équipements compensera l’augmentation du trafic par 100, voire par 1000 ?

  • Si non, le déploiement sera-t-il toujours rentable pour les opérateurs ?

  • Quel sera l’impact sur l’infrastructure énergétique ?

  • Quelle sera l’empreinte énergétique et environnementale liée à la fabrica-

    tion de millions d’antennes, d’équipements réseau de pointe et de milliards

    d’objets connectés ?

  • Quelle sera l’empreinte énergétique et environnementale liée au renouvel-

    lement forcé vers des terminaux compatibles 5G ?

  • Quelle sera l’empreinte énergétique et environnementale liée au traite-

    ment en fin de vie de tous les équipements 5G ?

  • La somme de ces empreintes est-elle compatible avec les objectifs de

    transition ?

    Aujourd’hui le débat se concentre majoritairement sur la complexe question de l’efficacité énergétique du réseau à l’usage tandis que les autres questions sont éludées. Il existe deux écoles de pensée sur le rapport hausse du trafic/augmentation de l’efficacité énergétique (EE). D’un côté, Ericsson, Telia et Nokia misent sur le fait que l’augmentation de l’EE compensera l’augmentation de la consommation énergétique liée au trafic. Nokia a notamment mis en avant que la modernisation des équipements pouvait permettre jusqu’à 44% d’économie d’énergie32 à usage constant et pourrait supposément absorber l’augmentation du trafic, sans réellement donner plus de précisions. De l’autre côté, Huawei estime que, si de grandes avancées sur l’efficacité énergétique de la 5G sont réalisées, la consommation d’énergie ne pourrait augmenter que de 5% par an (entre 2021 et 2025). Sans cela, la consommation d’énergie augmenterait plutôt de 30% par an.

31 Une liste exhaustive des KPI d’EE inclut : Higher data rates (hence the usual metrics bit/joule could be biased); Lower latency(at the expense of what?); IoT and the related low data rate services(very different from a traditional base station); Carrier aggregation and multiple connectivity (different models of transceivers); Massive MIMO (and related usage of mmW), Multilevel sleep modes (impacting EE directly), Explicitly includes hooks to help cloudification and virtualisation (different network layout), Network slicing for different applications (and different consumption models), TIM, “Assessment of energy efficiency of 5G A view on the standards for EE and the evolution towards 5G,” novembre 2017, p. 8, consulté le 20 mars 2020.

32 Nokia, “Nokia People & Planet Report 2017,” 2017, consulté le 20 mars 2020.

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 Huawei rappelle aussi que, même si l’efficacité énergétique unitaire des antennes s’améliore, le nombre d’antennes à installer va significativement augmenter et donc augmenter de fait la consommation énergétique du réseau. De même, toutes les nouvelles antennes devront être raccordées au réseau d’électricité ou produire leur propre électricité le cas échéant. Globalement, il existe un consensus dans la communauté autour de la consommation énergétique des réseaux 5G : elle augmentera par rapport à la 4G mais le taux d’augmentation de cette con- sommation dépendra des avancées sur l’efficacité énergétique des systèmes 5G. On estime aujourd’hui que l’efficacité énergétique des réseaux 5G sera multipliée par 10 en 10 ans, là où le trafic sera multiplié entre 100 et 1000 fois.33 En avril 2019, 100 dirigeants d’opérateurs télécoms ont été interrogé pour savoir s’ils pensaient que la 5G allait augmenter leur facture énergétique : 94% ont répondu positivement.34 Il existe aujourd’hui un fossé abyssal entre l’efficacité énergétique que les ingénieurs peuvent produire et le trafic que les financiers veulent créer.

Face à ce fossé, l’efficacité énergétique a toutefois été un cheval de bataille pour tout le secteur car il s’agit d’un des principaux facteurs permettant d’assurer la rentabilité des opérateurs. Si les opérateurs payent une facture d’électricité trop élevée ou supérieure à leur projection économique, alors ils ne seront pas rentables. Sans rentabilité, ils ralentiront leur investissement et affaibliront le marché. Ce problème est déjà saillant en Chine où l’utilisation des antennes 5G se révèle trop onéreuse pour les opérateurs en rai- son de leur importante consommation électrique. Certaines municipalités ont décidé de subventionner la facture d’électricité des stations à hauteur de 50% pendant 3 ans.35 D’autres villes chinoises comme Shenzhen, capitale du high-tech chinois, ont décidé de subventionner l’installation de nouvelles stations pour amortir le coût de l’électricité.36 Ces subventions sont le fait d’un modèle de développement économique spécifiquement chinois, cependant l’avertissement est clair : si l’efficacité énergétique n’est pas au rendez-vous alors cela serait aux municipalités et aux pouvoirs publics de compenser la perte économique des opérateurs. Cela impliquerait à terme une contribution publique alimentée par l’argent public, donc un impôt caché pour le maintien du réseau 5G. L’infrastructure énergétique française est toutefois différente du modèle chinois mais cela nous ramène à un tropisme assez courant : socialisation des pertes et privatisation des gains.

Si l’on souhaite comprendre plus en détail l’effet de la consommation d’électricité accrue pour l’opérateur, il faut alors regarder deux indicateurs : les dépenses d’investissement (CAPEX) et les dépenses d’exploitation (OPEX). Quand un opérateur déploie une infrastructure télécom, il va regarder combien cela lui coûtera d’installer par exemple une station et tout son système

33 “Future networks are expected to carry 1000 times more mobile data in ten years, but the energy efficiency is improving only 10 times in ten years,” Aarne Mämmelä, “Energy efficiency in 5G networks,” mai 2015, consulté le 20 mars 2020.

34 “A whopping 94% of our survey respondents indicated that they expected overall energy costs to increase along with 5G/MEC deployments,” 451 Research, “Telco Industry Hopes and Fears: From Energy Costs to Edge Computing Transformation,” April 2019, consulté le 20 mars 2020.

35 Robert Clarck, “Operators Starting to Face Up to 5G Power Cost,” Light Reading, 30 octobre 2019, consulté le 20 mars 2020.

36 Ibid.

22

associé (achat matériel, main d’oeuvre, frais d’installation, etc), c’est-à-dire le CAPEX. Il regardera ensuite combien l’entretien de cette station et de son système lui coûte par an (loyer, électricité, entretien, salaires, etc). L’addition du CAPEX et de l’OPEX permet de définir le coût total de possession (Total Cost of Ownership ou TCO en anglais). En général, on soustrait le TCO aux revenus de l’opérateur pour déterminer ses bénéfices et donc sa rentabilité.37 Les dépenses d’investissement (CAPEX) se structurent autour de l’acquisition du site, des travaux d’aménagement, l’achat de l’équipement (antenne, feeder, fronthaul, backhaul), les salaires du personnel et le transport. Le CAPEX d’une macro cell est estimé à 100 000€ aux Pays-Bas et à peu près 110 000€ au Royaume-Uni. Le CAPEX d’une small cell est respectivement estimé à 17 600€ aux Pays-Bas38 et 13 000€ au Royaume-Uni39 par les mêmes sources. Les dépenses d’exploitation du réseau (OPEX) sont généralement divisées en 5 sections : loyer du site (36%), salaires du personnel (28%), consommation d’électricité (15%), entretien des équipements backhaul (9%), autres (12%).40 On estime que la consommation d’électricité d’une station 5G représentera 20 à 40% de l’OPEX sans que les autres coûts se réduisent. Au Royaume-Uni, l’OPEX d’une macro cell est estimé à 45 000€ et à 6 300€ pour une small cell.41 Il apparaît vital pour les opérateurs de réduire les dépenses d’exploita- tion afin d’être rentables mais, malgré les promesses des constructeurs, la consommation d’électricité liée aux équipements 5G continue à augmenter.

37 Comme vu dans la section économique, quand la commission des participations et des transferts a estimé la valeur de la fréquence à 3,4-3,8 GHz elle a formulé une hypothèse sur le TCO, toutefois son calcul et les chiffres utilisés n’ont pas été communiqué.

38 Edward J.Oughton et al., “Assessing the capacity, coverage and cost of 5G infrastructure strate- gies: Analysis of the Netherlands,” Telematics and Informatics, vol. 37, 2019, pp. 50-69.

39 Juan Rendon Schneir et al., “Cost Analysis of a 5G Network with Multi-Tenancy Options,” 28th European Regional Conference of the International Telecommunications Society(ITS): “Competition and Regulation in the Information Age”, Passau, Germany, 30 juillet - 2 août, 2017.

40 Nokia, “5G network energy efficiency: Massive capacity boost with flat energy consumption,” White paper, consulté le 20 mars 2020.

41 Juan Rendon Schneir et al., “Cost Analysis of a 5G Network with Multi-Tenancy Options,” 28th European Regional Conference of the International Telecommunications Society(ITS): “Competition and Regulation in the Information Age”, Passau, Germany, 30 juillet - 2 août, 2017.

Exemples de CAPEX, OPEX et TCO d’une macro cell dans l’espace urbain

23

Efficacité énergétique de macro et small cells 4G/5G

Revenons maintenant sur le facteur qui affectera le plus la consommation électrique de l’infrastructure 5G : le trafic mobile. Celui-ci augmente de 57%42 par an et est majoritairement poussé par la vidéo. Ericsson estime que la vidéo représentait 60% du trafic mobile en 2018 et qu’elle pourrait atteindre 74% du trafic mobile en 2024, supposant une multiplication du trafic mobile total par 4,543 (de 28 Exaoctets par mois en 2018 à 131 Exaoctets par mois en 2024). Dans le même rapport, Ericsson suppose que la 5G représentera 35% du trafic mobile global, la 2G/3G/4G étant les 65% restants. Au niveau global, cette augmentation s’explique principalement par l’usage de plus en plus massif de la vidéo et, de façon plus discrète, par l’augmentation du nombre de clients. En France, la consommation de données 4G a augmenté de 442% entre 2016 et 2019 passant d’1,9 à 8,3 Go de données 4G consommées en moyenne par mois.44

Aujourd’hui les principales avancées et techniques pour améliorer l’EE de la 5G consistent en des antennes qui peuvent se mettre en veille s’il n’y a pas de trafic afin de réduire leur consommation électrique. De plus, des micro-cen- tres de données pourraient être directement installés dans les stations pour faire du stockage et du calcul sur place plutôt que d’acheminer les données vers des plus gros centres de données, c’est ce qu’on va appeler du edge computing. Pour réduire la facture énergétique, on installe aussi des énergies renouvelables vers la station pour l’alimenter directement. Au niveau logiciel et matériel de nombreuses optimisations du réseau ont été conçues (network slicing, beam forming, machine learning) et sont aujourd’hui testées.45 Malgré cette importante optimisation, les opérateurs et certains équipementiers rapportent toujours une augmentation de la demande énergétique.

42 Cisco, “Cisco Visual Networking Index: Global Mobile Data Traffic Forecast Update, 2015–2020,” 3 février 2016, consulté le 21 mars 2020.

  1. 43  Ericsson, “Ericsson Mobility Report,” juin 2019, consulté le 21 mars 2020.

  2. 44  Fédération française des Télécoms, “Chiffres clés,” site internet, consulté le 21 mars 2020.

  3. 45  Akshita Abrol et Rakesh K. Jha, “Power Optimization in 5G Networks: A Step Towards GrEEn

Communication,” IEEE Access, vol. 4, 2016, pp. 1355-1374; Stefano Buzzi et al., “A Survey of Energy-Effi- cient Techniques for 5G Networks and Challenges Ahead,” IEEE Journal dans Selected Areas in Commu- nications, vol. 34, no. 4, April 2016, pp. 697-709; Muhammad Usama et Melike Erol-Kantarci. “A Survey on Recent Trends and Open Issues in Energy Efficiency of 5G,” Sensors, vol. 19, no. 14, 2019, p. 3126.

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 Zhengmao Li, vice-président de China Mobile, le plus gros opérateurs chinois et mondiale remarquait en février 2019 qu’en Chine, la construction du réseau 5G requérait 3 fois plus de stations que la 4G, trois fois plus d’énergie et que les stations coûtaient 3 fois plus cher que celles de 4G.46 D’après Huawei, la consommation énergétique d’un équipement 5G augmente de 300% comparée à un équipement 4G avec une configuration similaire.47 Nokia et Ericsson misent toutefois sur une consommation similaire voire inférieure entre la 4G et la 5G pour les macro cells et les small cells.48 La recherche et l’industrie ont mobilisé leurs forces pour améliorer l’efficacité énergétique de la 5G et un nombre conséquent d’innovations a été exploré. Toutefois est-ce suffisant et n’y a t-il pas des effets insoupçonnés à cette optimisation ?

Il est important de se rappeler que la 5G ne remplacera pas les autres réseaux, elle s’empile sur eux. Cela veut littéralement dire des antennes 5G vont être installées sur des stations qui hébergent déjà des antennes 2G/3G/4G. De plus, installer un micro-centre de données dans la station augmentera la consommation électrique du site, notamment pour le refroidissement des équipements. Cet empilement de fréquences et de matériel créera une consommation électrique accrue de la station et demandera logiquement une réadaptation du réseau électrique. Cette configuration augmentera les coûts d’installation et pourrait causer des retards, c’est pour cette raison que la production énergétique locale est envisagée. Cela consisterait à équiper les stations de panneaux solaires et de batteries pour générer de l’électricité. Les pays nordiques misent quant à eux plutôt sur l’éolien. Au final, la multiplication des antennes additionnée à la création de micro-centres de données et d’équipements de production énergétique dans les stations augmentera considérablement l’empreinte environnementale du numérique dès lors qu’on intègre l’énergie dépensée à la fabrication des équipements. À ce jour, aucune étude n’a estimé le nombre d’équipements produits pour l’infrastructure 5G, ni calculé l’empreinte environnementale globale lié à la fabrication et l’utilisation de cette infrastructure. C’est aujourd’hui ce genre d’études qui serait nécessaire pour déterminer clairement les impacts environnementaux de cette technologie. Sans cela le coût environnemental de la 5G ne peut être que largement sous-estimé.

46 “The construction of a 5G network in China requires three times the number of base stations required by 4G, with at least three times the demand for energy and base stations are three times more expensive than 4G”, Il faut noter que ce type de déclarations sert aussi de leviers pour la négociation com- merciale. Newsbeezer, “China Mobile: the 5G network requires three times more energy,” Newzbeezer, 25 février 2019, consulté le 21 mars 2020; Dan Jones, “Power Consumption: 5G Base Stations Are Hungry, Hungry Hippos,” Light Reading, 6 mars 2019, consulté le 21 mars 2020.

47 “According to the measured data of multiple operators, the power consumption of one band 5G equipment (64T64R, 3.5 GHz Massive MIMO, including one BBU and three AAU/RRUs) is 300% to 350% of 4G with the same configuration. A 5G BBU is about 300 W while an AAU is about 900 W at 30% load rate (peak is about 1200 W to 1400 W),” Huawei, “5G Telecom Power Target Network: White Paper,” consulté le 21 mars 2020.

48 Pål Frenger et Richard Tano, “A technical look at 5G energy consumption and performance,” 17 septembre 2019, consulté le 21 mars 2020; Nokia, “5G network energy efficiency: Massive capacity boost with flat energy consumption,” White paper, p. 8, consulté le 20 mars 2020.

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Si nous nous essayons à déterminer un ordre de grandeur des équipements à produire, nous devrions alors regarder plusieurs points :

  • Les équipements réseaux (stations, antennes, climatiseurs, backhaul, etc),

  • Les équipements utilisateurs (smartphones, objets connectés, capteurs, etc),

  • Les équipements des centres de données (serveurs, etc),

  • Les équipements énergétiques (panneaux solaires, transformateurs, etc).

    Cet exercice ne peut être résolu car il est extrêmement difficile de récupérer les informations nécessaires. On peut toutefois déjà rappeler quelques chiffres sur les deux premiers points. Côté réseau, le “Small Cell Forum” prévoit le déploiement de 13,1 millions nouvelles small cells dès 2025.49 ABI Research estime de son côté que le nombre d’antennes va croître de 5,7% par an (mac- ro et small cells confondues), passant de 11,8 millions en 2017 à 18,4 millions d’antennes en 2025.50 Plus précisément le même institut prévoit 3 millions de nouvelles macro cells entre 2017 et 2025 avec un taux de croissance annuelle de 3%, et 3,6 millions de nouvelles small cells entre 2017 et 2025 avec un taux de croissance de 25%. Chaque antenne sera reliée aux réseaux télécoms, soit par une connexion en fibre, soit par une connexion micro-ondes nécessitant un système plus ou moins conséquent en fonction de la nature de l’antenne. De même, des scénarios d’installation de micro-centres de données au pied d’antennes nouvelles et existantes sont envisagés (MEC, Edge computing). On ne peut pas encore définir quel serait le nombre exact de micro-centres de données déployés mais le coût total pour équiper chaque nouvelle antenne à l’échelle mondiale est estimé à 140 milliards de dollars US.51 La question du refroidissement de ces micro-centres de données est aussi une question qui affectera l’inclusion d’équipements comme des climatiseurs, des systèmes de refroidissement à l’eau52 ou à l’air libre.

    Concernant les équipements utilisateurs, Ericsson projette 22,3 milliards d’objets connectés d’ici 2024 dont les trois quarts sont liés au déploiement de la 5G. Du côté des terminaux (téléphones, smartphone, tablettes), Gart- ner estime, après une baisse des livraisons depuis quelques années, que l’arrivée de la 5G permettrait d’augmenter les livraisons d’appareils mobiles en 2020 à hauteur de 2,16 milliards d’unités.53 En 2019, les livraisons avaient baissé de 4%, avec la 5G elles pourraient augmenter jusqu’à 0,9%, soit un saut de 4,9% (soit 106 millions d’appareils en plus). De son côté, Ericsson estime que 160 millions d’appareils 5G seront vendus en 2020, notamment du fait du déploiement 5G en Chine.54

49 “In the case of small cells, the Small Cell Forum predicts that 5G small-cell deployments will over- take 4G small cells by 2024, with the total installed base of 5G or multimode small cells in 2025 to be 13.1 million, constituting more than one-third of the total small cells in use,” Dexter Johnson, “The 5G Dilemma: More Base Stations, More Antennas—Less Energy?,” IEEE Spectrum, 3 octobre 2018, consulté le 21 mars 2020.

  1. 50  GSMA, “The 5G Guide: A Reference for Operators,” Avril 2019, p.172, consulté le 21 mars 2020.

  2. 51  Ibid., p.193.

  3. 52  “Huawei and one or two other manufacturers had water-cooled base stations on exhibit at the

MWC in Barcelona this spring, Lum said. Cool as it was, however, it was a bad idea. “You don’t want to put anything out there with a system that can stop working,” Kevin Fogarty, “On The Cusp Of 5G,” Semiconduc- tor Engineering, 29 août 2019, consulté le 21 mars 2020.

53 Ingrid Lunden, “Gartner: 2020 device shipments to grow 0.9% to 2.16B thanks to 5G, before 2 further years of decline,” TechCrunch, 21 janvier 2020, consulté le 21 mars 2020.

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 Ces premiers chiffres sont à approfondir et n’intègrent pas l’ensemble des conséquences futures sur l’infrastructure numérique (déploiement de véhicules autonomes, streaming VR/AR, etc) et sur l’infrastructure énergétique. Concernant les deux derniers points de la liste, nous ne pouvons aujourd’hui pas estimer comment le déploiement de la 5G affectera le déploiement ou l’adaptation des centres de données. De même, nous ne pouvons pas savoir combien d’antennes seront équipées de panneaux solaires, d’éoliennes, d’équipements électriques et de batteries (plomb ou lithium). La seule estimation que nous pouvons produire aujo- urd’hui, c’est la fabrication nette des équipements suivants due à la 5G : 6,6 à 13,1 millions de nouvelles antennes entre 2019 et 2025, 16,7 milliards d’objets connectés entre 2018 et 2024, 900 millions à 3,3 milliards de smartphones 5G entre 2019 et 2025.55

Dans tous les cas, les installations réseaux de la 5G et les équipements utilisa- teurs embarqueront des composants électroniques de pointe, ce qui sous-entend qu’une plus grande quantité d’énergie a été dépensée pour les fabriquer et que le recyclage sera plus complexe (plus de métaux en petite quantité). Cette hausse de la fabrication d’équipements entraînera des ponctions massives dans les réserves de minerais et favorisera le développement de l’activité minière. À l’heure où nous devons réduire drastiquement notre empreinte matérielle sur Terre, le déploiement de la 5G semble plutôt nous entraîner sur la voie d’une intensification de la fabrication d’équipements, sollicitant min- erais, énergie, eau. Nous manquons cruellement d’études publiques sur les impacts environnementaux liés à la fabrication de ces équipements et à leur réutilisation, leur recyclage et traitement en fin de vie. Dans une logique de transition bas-carbone, il semble contre-intuitif d’autoriser le déploiement de l’infrastructure 5G sans ces informations. Sous couvert de recherche sur l’ef- ficacité énergétique à l’usage, le secteur industriel se garde bien de produire des données sur la fabrication et la fin de vie des équipements.

54 Ericsson, “Ericsson Mobility Report November 2019,” novembre 2019, p.8, consulté le 21 mars 2020.

55 Le nombre de smartphones 5G est établi sur l’hypothèse d’un volume fixe d’expéditions de smartphones (1,75 milliards par an), avec une proportion de téléphones 5G ready de 12% en 2020, 43% en 2022 et 50% entre 2023 et 2025, selon les chiffres de Gartner et Ericsson : Ingrid Lunden, “Gartner: 2020 device shipments to grow 0.9% to 2.16B thanks to 5G, before 2 further years of decline,” TechCrunch, 21 janvier 2020, consulté le 21 mars 2020; Ericsson, “Ericsson Mobility Report November 2019,” novembre 2019, p.8, consulté le 21 mars 2020.

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Estimation de la fabrication nette d’équipements liés à la 5G, de 2019 à 2025

Controverse foncière

Le déploiement d’un nombre colossal d’équipements dans les zones urbaines et rurales vient avec de fortes contraintes foncières et immobilières. Puisque les ondes sont plus courtes et pénètrent moins facilement dans le bâti, des macro cells et des small cells devront être déployées partout dans l’espace urbain pour garantir le débit mobile à très haute vitesse en ville. Feux rouges, lampadaires, bouches d’égouts,56 toits d’immeubles, abribus, tout l’espace urbain est scruté pour permettre l’installation des antennes en ville, avec un espacement moyen de 100 à 200 mètres. L’obtention de ces emplacements seront critiques pour les opérateurs qui souhaitent déployer la 5G.57 D’après Price Waterhouse Cooper, les étapes d’obtention et de déploiement d’une antenne peuvent être résumés ainsi58:

  • Définition de la stratégie de couverture réseau et budgétisation

  • Reconnaissance et enquête sur les sites d’implantation possibles pour

    améliorer la couverture

  • Louer l’espace nécessaire à l’installation de l’antenne auprès du pro-

    priétaire du lieu choisi

  • Obtenir le permis d’installation d’une antenne au niveau national et local

  • Concevoir le plan d’installation

  • Installation de l’antenne

  • Maintenance et entretien de l’équipement

    Les cinq derniers points doivent être répétés pour chaque nouvelle station. La plupart des opérateurs sont habitués à ce type de procédure pour l’installation des équipements 4G, qui sont toutefois bien moins nombreuses car de plus grande portée. Il faudrait au moins 4 à 5 fois plus de stations 5G pour fournir une couverture équivalente à une station 4G en zone urbaine dense.59 D’après un équipementier en réseaux fibrés pour la 5G, la proportion d’an- tennes serait multipliée par 20 pour permettre une couverture de 95% dans une zone urbaine dense (en 3,5 et 26 GHz).60 L’obtention ou la location des points d’installation auprès des autorités locales et nationales est un obsta- cle majeur car cela redonne du pouvoir aux élus locaux qui peuvent refuser l’installation ou demander un loyer approprié aux opérateurs. L’obtention du permis par les autorités et la négociation des loyers sont des goulots d’étran- glement déjà bien repérés par tous les acteurs du secteur. Chaque opérateur doit donc avancer au cas par cas pour l’installation du réseau à un rythme imposé par les municipalités, chaque retard ou rallongement de procédure augmentant les dépenses d’investissement des opérateurs. Là où les autorités nationales ont décidé la décision de déployer la 5G sans concertation nationale, la réalité physique et foncière du réseau 5G redonne du pouvoir aux autorités locales, notamment leur pouvoir décisionnaire.

56 Jeremy Horwitz, “Vodafone will hide Ericsson 4G/5G cell antennas under manhole covers,” Ven- ture Beat, 10 décembre 2018, consulté le 21 mars 2020.

57 “Wireless operators must secure access to fiber backhaul, prime cell-tower locations, and street furniture, as these resources will be critical to 5G, especially high-band 5G,” McKinsey & Company, “Are you ready for 5G?,” February 2018, consulté le 21 mars 2020.

  1. 58  PwC, “Why 5G networks can’t succeed without a small cell revolution,” consulté le 21 mars 2020.

  2. 59  Hao Yi Xue et al., “Wireless Fractal Ultra-Dense Cellular Networks,” Sensors, vol. 17, no. 4, 2017.

  3. 60  Passage de 6 stations en 4G à 6 stations équipées en 3,5 GHz, 11 small cells à 3,5 GHz, 13

Hotspots à l’intérieur du bâti et 87 small cells à 26 GHz, Raf Meersman, “5G and FTTH: The Value of Con- vergence,” FTTH Conference, 13 mars 2019, p. 5, consulté le 21 mars 2020.

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 Par un retournement de situation inattendu, les élus locaux peuvent donc décider d’ouvrir ou non leurs équipements municipaux à l’infrastructure 5G dans leur ville. On pourrait juger cette situation similaire au déploiement de la 4G, mais en 2010, la crise environnementale n’était pas encore un sujet brûlant, la crise de confiance envers les autorités nationales n’était pas encore généralisée, les impacts environnementaux du numérique étaient encore mal compris, et les contestations envers le tout-numérique ne s’étaient pas encore rodées (les polémiques autour de Linky arriveront plus tard). Cette vulnérabilité foncière du réseau 5G donne aux municipalités un certain pouvoir sur une infrastructure clé dans un climat de contestation et de résistance inédit.

A contrario, le cas états-unien est exemplaire pour montrer l’autoritarisme d’un État qui essaye d’imposer cette nouvelle infrastructure à ses municipalités. Les autorités locales disposent de deux leviers pour faciliter, retarder ou interdire le déploiement de l’infrastructure 5G : la délivrance du permis pour installer un équipement urbain et le montant du loyer pour l’utilisation de l’équipement urbain. En juin 2017, la ville d’Austin au Texas préparait déjà le déploiement de small cells sur son équipement urbain (les poteaux en particulier) et avait déjà mis en place une procédure facilitée pour le traitement des demandes de permis. Toutefois, le maire d’Austin souhaitait obtenir un loyer “juste” pour la mise à disposition aux opérateurs. La négociation a été court-circuitée par l’État du Texas qui a promulgué une loi le 9 juin 201761 obligeant les municipalités de l’État à accepter ou refuser les permis sous un délai de 60 jours62 et fixant un loyer annuel plafonné à 250 dollars pour l’accès aux poteaux. En 2018, la Commission Fédérale aux Communications (FCC) a émis un ordre obligeant toutes les municipalités étatsuniennes à valider ou refuser les permis sous 60 jours, réduisant de fait le pouvoir de négociation des autorités locales. La FCC a justifié cet ordre en avançant que des délais de traitement de permis plus courts feraient économiser 2 milliards de dollars aux opérateurs.63 Dans le même ordre, la FCC exclut que les small cells soient examinées sur leur impact environnemental ainsi que sur l’adéquation avec le caractère historique des zones urbaines. Elle empêche aussi les municipalités de demander le paiement de frais de dossier supplémentaires aux opérateurs. En 2018, le Sénat américain a suivi64 et 23 États ont signé une loi similaire65 pour faciliter le déploiement des small cells, forçant la main à leurs municipalités qui refusent soit l’installation, soit le loyer demandé par les opérateurs.

61 “On June 9, Texas passed a new law requiring municipalities within the state to abide by one set of rules when granting permits for operators seeking to deploy new equipment within public right-of-way areas. Among the requirements, cities cannot charge an annual rate of more than $250 for pole access, and they must approve or deny an operator’s permit application within 60 days,” Mari Silbey, “Battle Begins for Small Cells, Smart Cities,” Light Reading, 20 juillet 2017, consulté le 21 mars 2020.

62 FCC, “Accelerating Wireless Broadband Deployment by Removing Barriers to Infrastructure In- vestment,” FCC Fact Sheet, 5 septembre 2018, consulté le 21 mars 2020.

63 Jacob Kastrinakis, “FCC passes order limiting cities’ review of 5G deployment,” The Verge, 26 septembre 2018, consulté le 21 mars 2020.

64 U.S. Senate Committee on Commerce, Science, and Transportation, “Thune and Schatz Intro- duce the STREAMLINE Small Cell Deployment Act,” 28 juin 2018, consulté le 21 mars 2020.

65 Heather Morton, “Mobile 5G and Small Cell 2018 Legislation,” National Conference of States Legislatures, 31 décembre 2018, consulté le 21 mars 2020.

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Dans d’autres États, certains collectifs citoyens déposent des amendements pour empêcher le déploiement de small cells en raison des aspects sanitaires et de la dévaluation possible de leurs propriétés.66 Les résistances citoyennes ont été répertoriées à New-York, Oakland (Californie), Mill Valley (Californ- ie), Gig Harbor (Washington), Portland (Oregon) et de façon plus diffuse au niveau national.67 Les dangers sanitaires liés à la proximité et à la multiplica- tion des small cells sont souvent les raisons de ces résistances. Certaines municipalités ont malgré tout réussi à négocier, comme par exemple la ville de Doylestown qui a obtenu une réduction de nombre de small cells installées et une commission de 5% sur les revenus générés par les sites installés.68 Des conflits similaires ont été aussi observés au Royaume-Uni, la question du loyer des lampadaires polarisant les discussions entre municipalités et opéra- teurs.69 Les plus grandes villes arrivent toutefois à garder une partie de leur pouvoir de négociation en imposant des règles obligeant le déploiement de la 5G dans les zones les moins aisées. New York a par exemple décidé de louer ses équipements urbains à hauteur de 144$ dans ses quartiers les plus pau- vres et à 5100$ dans les zones les plus riches de Manhattan.70

  1. 66  The New York State Senate, “Senate Bill S6687.”

  2. 67  R. Blank, “Global Opposition Is Mounting to The Real Dangers of 5G,” Shield Your Body, 12 janvier

2020, consulté le 21 mars 2020.

68 Rob Pegoraro, “Why 5G Internet Is a Policy Minefield for Cities,” Citylab, 2 octobre 2018, consulté le 21 mars 2020.

69 Matthew Weaver, “Revealed: 5G rollout is being stalled by rows over lampposts,” The Guardian, 19 mai 2019, consulté le 21 mars 2020.

70 Marguerite Reardon, “How 5G pits big carriers and government against small towns,” Cnet, 18 octobre 2018, consulté le 21 mars 2020.

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Modèles de poteaux publics
à San Jose (CA) pouvant héberger des small cells

Exemple d’une municipalité expliquant l’installation d’une small cell à ses administrés, États-unis

Le nombre d’antennes à installer va probablement surcharger les services municipaux de travaux publics et de télécommunication. Un installateur 5G déployant un réseau dans un quartier de San Jose, Californie, a mis en ligne une liste de toutes les tâches nécessaires pour installer un poteau, répertoriant une soixantaine d’étapes71 nécessitant une bonne coordination entre la municipalité, l’installateur et l’opérateur. L’installation de small cells sur l’équipement privé présent dans l’espace urbain peut faire émerger une complexité foncière et juridique supplémentaire. JCDecaux propose maintenant de louer des emplacements de small cells dans ses abribus, panneaux de publicité, et autres.72 Face aux enjeux liés à la 5G, il semble inopportun de laisser un ac- teur privé affaiblir le pouvoir décisionnaire des municipalités, et encore moins de laisser un acteur privé décider de l’installation de l’infrastructure dans l’es- pace public à la place des élus et des citoyens.

71 Cela inclut l’inspection des sites, l’examen mécanique de l’équipement urbain, l’analyse struc- turelle, les mises à jour mécaniques, l’inspection du réseau électrique et son éventuel mise à niveau, l’in- spection du Point-to-Point (PoP), la demande de permis, et finalement la construction et l’installation, FCC, “Accelerating Wireless Broadband Deployment by Removing Barriers to Infrastructure Investment,” FCC Fact Sheet, 5 septembre 2018, consulté le 21 mars 2020.

72 Juan Pedro Tomás, “JCDecaux to help French telcos to deploy small cells in street furniture,” RCR Wireless News, 4 février 2019, consulté le 21 mars 2020.

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L’installation massive des antennes dans l’espace urbain anime deux mouvements parallèles, à la fois du côté des opérateurs et du côté de la société civile. Vu qu’aucune consultation n’a été organisée concernant le déploiement de la 5G, il semble vraisemblable que des mouvements de résistance s’organisent pour faire valoir le droit des citoyens à décider sur des choix technologiques importants. Un mouvement de contestation a déjà pu être observé en France sur les compteurs Linky. Dans plusieurs pays, des groupes se sont structurés pour repérer les antennes et organiser une lutte administrative et légale contre leur installation. Généralement ces groupes ont deux angles d’attaque, soit les risques sanitaires, soit la dévaluation foncière des propriétés à proximité des antennes. De plus, les small cells présentent aussi une certaine fragilité : elles pourraient facilement être endommagées par des militants anti-5G car elles ne sont pas placées très haut (à hauteur de poteau) et plutôt visibles.73 Les opérateurs et équipementiers se sont donc attelés à répondre à ces protestations. Pour éviter la dégradation, la dévaluation foncière et atténuer les peurs sanitaires, différents modèles d’antennes ont été conçus. Par exemple, la société Raycap propose des modèles d’antennes conçus pour se camoufler dans le poteau qui le supporte,74 tandis qu’Ericsson installe des small cells sous les plaques d’égouts. Deutsche Telekom, en association avec une université de design et une entreprise de matériaux, a déployé des antennes en forme d’oiseau ou d’horloge afin d’intégrer plus “pacifiquement” les antennes dans le paysage urbain.75

Les enjeux fonciers constituent un élément clé des modèles économiques des opérateurs et des projections faites par les analystes financiers. Si les municipalités souhaitent obtenir un prix satisfaisant pour la location de leur équipement urbain, la rentabilité hypothétique des opérateurs sera une fois de plus fragilisée.

73 Ce passage a été écrit en mars 2020 avant le début des incidents impliquant la destruction d’an- tennes 5G en Angleterre et en Belgique liée à la théorie complotiste liant 5G et Covid-19.

  1. 74  Raycap, “Concealed small cells solutions including Raycap,” consulté le 21 mars 2020.

  2. 75  Jeremy Horwitz, “Deutsche Telekom, Covestro, and UID create artistic 5G mmWave antennas,”

Venture Beat, 16 octobre 2019, consulté le 21 mars 2020.

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Exemples de repérage citoyen de small cells partagés sur les réseaux sociaux, États-unis

 Vu différemment, la densité d’installation d’antennes dans l’espace urbain redonne aux municipalités un pouvoir qui leur permet de refuser ou d’accepter à leurs conditions cette nouvelle infrastructure. L’enjeu est de taille car l’installation implique de multiplier par 4 à 5 le nombre de stations 5G dans l’espace urbain par rapport à la 4G. Certains États font preuve d’autoritarisme pour imposer à leurs municipalités cette infrastructure dans des termes favorables aux opérateurs, comme la FCC aux États-Unis. Cependant, les cas suisses et italiens nous montrent qu’il est possible de résister à cette installation. Les résistances face à la 5G révèlent un tournant récent dans l’organisation de la vie politique : les dernières infrastructures de taille (barrages, centrales, aéroports, autoroutes, etc) avaient été imposées sans résistance généralisée lors du siècle dernier tandis que ces dernières années, l’occupation et l’usage de l’espace a été systématiquement contesté (Notre-Dame des Landes, incinérateurs, Linky, transformateur RTE, autoroute à Strasbourg, ...). Un point de rupture a peut-être été atteint dans ce que l’État et les acteurs privés peuvent imposer comme infrastructures dans l’espace commun et public. La 5G ne passera sûrement pas au travers de la résistance et de la reconquête de l’espace par des entités locales et territorialisées, en tout cas la 5G présente des propriétés physiques (courte portée donc densification des antennes) qui la rende vulnérable à une résistance foncière et citoyenne.

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Controverse sanitaire

Les effets des radiofréquences et des micro-ondes sur la santé est un sujet de controverse récurrent. De fait, il est légitime pour les citoyens et leurs représentants de connaître les risques sanitaires liés à l’exposition à ce type d’ondes. Cette question a commencé à être soulevée à partir des années 1950 lorsque le Département de la Défense des États-Unis a commencé à déployer un système radar à grande échelle dans un contexte de guerre froide. Face à l’inquiétude des populations voyant apparaître des tours radio de grande puissance, il fallut définir un seuil d’exposition maximal, c’est-à-dire, s’accorder sur un standard. C’est d’ailleurs l’United States of American Standards Institute (USASI) qui a fixé le seuil en 1966 concernant les radiofréquences et les micro-ondes : un maximum de 10 mW/cm2 sur une période d’exposition de 6 minutes.76 Ce standard était basé sur une observation faite dans les années précédentes : l’exposition à des micro-ondes ou radiofréquences provoque un réchauffement des tissus humains. Il a été statué que protéger la santé humaine consistait à limiter l’effet chauffant des ondes considérées. En 1958, les chercheurs de l’Union Soviétique choisirent plutôt la valeur de 0,01 mW/cm2 car ils inclurent des risques non-thermiques.77 Dans tous les cas, le standard américain se propagea et fut révisé en 1982 sous l’égide de l’American National Standards Institute (ANSI) et du Institute of Electrical and Electronics Engineers (IEEE) et s’appliqua pour toutes les radiofréquences comprises entre 3 kHz et 300 GHz. Cette mise à jour fut le fruit de 10 ans de travail, examinant 321 articles de recherche à comité de lecture ainsi qu’une bibliographie mobilisant biologie, ingénierie et statistiques.78 Sol Michaelson, un des experts qui définit le standard de 10 mW/cm2 en 1966, sera mandaté à l’International Radiation Protection Agency (IRPA) et continuera de se battre pour la validité du standard basé sur le réchauffement des tissus. Par la suite, l’IRPA donnera naissance à l’ICNIRP, l’International Commission on Non Ionizing Radiation Protection. L’ICNIRP est aujourd’hui l’institut de référence pour fixer les standards d’exposition aux radiofréquences et micro-ondes.79 L’Organisation Mondiale de la Santé (OMS) se réfère à cet institut pour recommander les seuils d’exposition, comme la plupart des gouvernements.

Ce bref historique permet de retracer l’origine de la valeur officielle permettant de juger de la dangerosité des ondes. Celle-ci ne se base que sur l’effet de réchauffement des tissus et écarte de fait les autres effets non-thermiques. La valeur est déterminée sur une période d’exposition de 6 minutes, car il semblerait que c’est une durée pertinente pour mesurer le degré de réchauffement des tissus humains soumis à des radiofréquences et des micro-ondes.80

76 James C. Lin, “ANSI/IEEE Exposure Standards for Radiofrequency Fields,” NSSA, vol. 274, pp. 31-32; IEEE Standards Association, “C95.1-2019 - IEEE Standard for Safety Levels with Respect to Human Exposure to Electric, Magnetic, and Electromagnetic Fields, 0 Hz to 300 GHz,” 4 octobre 2019.

77 USSR, “Temporary Sanitary Rules for Working with Centimeter Waves. Ministry of Health Protec- tion of the USSR,” 1958.

  1. 78  Ibid.

  2. 79  ICNIRP, “ICNIRP Guidelines for limiting exposure to electromagnetic fields (100 kHz to 300

GHz),” 2020.

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 Rien ne dit si cette durée est pertinente pour mesurer les autres effets sur la santé, cependant les mesures sanitaires se basent toujours sur celle-ci. Les personnes impliquées dans l’établissement de ce standard et de ces choix méthodologiques ont ensuite majoritairement travaillé dans ou pour les organismes internationaux qui définissent les seuils d’exposition maximale. Depuis 1984, l’ICNIRP est l’organisme de référence sur l’exposition aux ondes mais il a été aussi le sujet de controverses dès les années 1990 quant à des possibles conflits d’intérêt de ses membres avec le secteur industriel des télécommunications et avec le secteur militaire.81 La controverse s’est structurée de la façon suivante : si l’ICNIRP a des conflits d’intérêts avec le secteur industriel, alors ses recommandations doivent être lues avec précaution et ses publications doivent êtres pondérées avec d’autres recherches indépen- dantes. Or l’ICNIRP qualifie ses détracteurs “d’activistes”,82 visant ainsi à mon- trer leur partialité liée à un engagement politique ou idéologique. Ce discours vise entre autres à maintenir l’image de l’ICNIRP comme un organisme impar- tial. De leur côté, les chercheurs et politiciens “activistes” mettent en avant les conflits d’intérêts de l’ICNIRP et la partialité de leur méthode, basée sur l’étude quasi-exclusive des effets thermiques de l’exposition à des ondes.

En 2000 débuta INTERPHONE, la première grande étude internationale sur le lien entre l’utilisation d’un téléphone mobile (exposition aux radiofréquences) et les risques de cancer. Elle sera lancée par le Centre International de Recherche sur le Cancer (CIRC), financée à hauteur de 24 millions de dollars et réunissant des participants de 13 pays différents. Les participants furent suivis de 2000 à 2010. Les résultats de l’étude ne montrèrent pas d’augmentation du risque de tumeur cérébrale (méningiome et gliome) mais notèrent une augmentation du risque de gliome pour les utilisateurs intensifs (plus de 30 minutes/jour), tout en avertissant que cette augmentation du risque pouvait être liée à plusieurs biais et ne pouvait faire la preuve d’un lien causal. L’étude rappelle que les effets à long terme des téléphones portables néces- sitent un temps d’observation plus long (>15 ans) et plus de recherche.83 À la publication des résultats, l’ICNIRP critiqua la méthodologie mais accepta les résultats, ne montrant pas de causalité évidente entre téléphone portable et tumeurs cérébrales.84 En 2013, le CIRC s’appuya grandement sur l’INTERPHONE et sur une étude suédoise portée par Lennart Hardell afin de produire une monographie, c’est-à-dire un ouvrage reprenant toute la recherche disponible sur un sujet pour proposer des nouvelles conclusions. La monographie du CIRC conclut qu’il n’y a que des preuves limitées85 (limited evidence) sur les effets cancérigènes des radiofréquences chez l’homme, de même pour l’animal, et classa les radiofréquences dans le groupe 2B, c’est-à-dire les agents peut-être cancérigènes.86

80 Ryota Morimoto et al., “Time constants for temperature elevation in human models exposed to dipole antennas and beams in the frequency range from 1 to 30 GHz,” Physics in Medicine and Biology, vol. 62, no. 5, février 2017.

81 Michael H. Repacholi, “A History of the International Commission on Non-Ionizing Radiation Pro- tection,” Health Physics, vol. 113, no.4, octobre 2017 p. 290.

  1. 82  Ibid.

  2. 83  The INTERPHONE Study Group, “Brain tumour risk in relation to mobile telephone use: results of

the INTERPHONE international case–control study,” International Journal of Epidemiology, vol. 39, no. 3, June 2010, mai 2010, pp. 675–694.

84 Anthony J. Swerdlow et al., “Mobile Phones, Brain Tumors, and the Interphone Study: Where Are We Now?,” Environmental Health Perspectives, vol. 119, no. 1, novembre 2010, pp. 1534–1538.

85 L’utilisation du terme “indication limitée” indique qu’un lien causal est considéré comme crédible entre l’exposition à l’agent et un cancer, mais le hasard ou un biais ne peut pas être écarté avec une confi- ance suffisante.

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 Le comité d’experts approuva ses conclusions à la majorité, une minorité d’experts indiquant que les études utilisées ne permettaient pas d’établir de lien de causalité.

Le conflit débuté dans les années 90 se poursuivit : l’ICNIRP d’un côté, maintenant sa ligne sur les effets thermiques et soulignant les défauts de méth- odologie de ses adversaires, et de l’autre côté les instituts en cancérologie et groupes de chercheurs (Kundi et al.,87 Hartell et al.), continuant de dénon- cer les conflits d’intérêts de l’ICNIRP et leur partialité dans le choix d’études et leurs défauts méthodologiques. En 2018, le National Toxicology Program (NTP) exposèrent des rats et des souris à des ondes similaires à celle d’un téléphone portable sur l’ensemble de leurs corps.88 Au bout de deux ans d’ex- périences, ils établirent que cette exposition provoquait probablement des tumeurs chez les rats mâles, mais pas sur les rats femelles ni chez les souris. L’expérience fut répétée par l’Institut Ramazzini (RI) la même année, avec des résultats similaires.89 Les deux instituts appelèrent à une modification de la classification du CIRC, sans succès. L’ICNIRP répondit à ces études en mettant en doute leur rigueur méthodologique et en soulignant qu’elles ne remettaient pas en cause les standards édictés.90 Le NTP répliqua que la preuve avait été apportée que les radiofréquences étaient bel et bien à l’origine d’effets néfastes sur la santé, et que les commentaires de l’ICNIRP manquaient de savoirs cruciaux en biologie.91 Aujourd’hui, les seuils d’exposi- tion aux radiofréquences et aux micro-ondes restent inchangés, sans que l’on puisse prouver clairement la potentielle nocivité des radiofréquences. Ce flou est maintenu par le fait que les parties prenantes s’opposent frontalement et mettent régulièrement en cause la rigueur et l’impartialité de chacun.

Pour remettre en cause les standards recommandées par l’ICNIRP, il serait nécessaire de prouver les conflits d’intérêts entourant cet acteur. Or si les conflits d’intérêts sont bien connus et surveillés dans le secteur pharmaceu- tique ou le secteur du tabac, le monde des télécommunications ne produit et ne dispose que de peu de données à ce sujet. Une étude publiée en 2007 a analysé un corpus de 59 articles de recherche traitant directement des risques de santé liés à l’usage du téléphone mobile.

86 IARC, “Non-ionizing Radiation, Part 2: Radiofrequency Electromagnetic Fields,” IARC Mono- graphs on the Evaluation of Carcinogenic Risks to Humans, vol. 102, p. 419.

87 Anders Ahlbom et al., “Epidemiology of Health Effects of Radiofrequency Exposure,” Environ- mental Health Perspectives, vol. 112, no. 17, décembre 2004, pp. 1741–1754; Michael Kundi, “ Response to : “Epidemiology of Health Effects of Radiofrequency Exposure”,” Environmental Health Perspectives, vol. 113, no. 3, mars 2005, A151.

88 Michael Wyde et al., “Report of Partial findings from the National Toxicology Program Carcino- genesis Studies of Cell Phone Radiofrequency Radiation in Hsd: Sprague Dawley® SD rats (Whole Body Exposures),” bioRxiv, février 2018.

89 Laura Falcioni et al., “Report of final results regarding brain and heart tumors in Sprague-Dawley rats exposed from prenatal life until natural death to mobile phone radiofrequency field representative of a 1.8 GHz GSM base station environmental emission,” Environmental Research, vol. 165, août 2018, pp. 496- 503.

90 ICNIRP, “ICNIRP Note: Critical Evaluation of Two Radiofrequency Electromagnetic Fields Animal Carcinogenicity Studies Published in 2018,” Health Physics, vol. 118, mai 2019.

91 Ronald L. Melnick, “Commentary on the utility of the National Toxicology Program study on cell phone radiofrequency radiation data for assessing human health risks despite unfounded criticisms aimed at minimizing the findings of adverse health effects,” Environmental Research, vol. 168, janvier 2019, pp. 1-6.

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 L’étude montra que les articles financés par un “sponsor” avaient moins de chance de faire état d’ef- fets négatifs sur la santé. Ce n’est en rien surprenant car le “sponsor” a une influence sur le design de l’expérience, la nature de l’exposition, les résultats évalués, etc.92 Il est donc de plus en plus évident que les sources de financement influencent les résultats des articles de recherche liant téléphone mobile et effets sur la santé.93 En 2011, le Conseil de l’Europe s’étonnait que “les seuils d’exposition aient été proposé par une ONG dont l’origine et la struc- ture ne sont pas clairs et qui est suspectée d’avoir des liens proches avec les industriels du secteur.” Dans le même texte, le rapporteur européen rappelait que les recommandations de l’ICNIRP avaient été suivies jusque là pour “ne pas empêcher l’expansion de nouvelles technologies avec leur promesse de croissance économique, de progrès technologique et de créations d’emplois” mais aussi parce que “les législateurs n’ont que très peu de compétences pour évaluer les risques technologiques pour la santé et l’environnement”.94 Cependant l’ICNIRP est une ONG, donc un institut indépendant qui ne reçoit a priori pas de financement par des acteurs privés. Quelles sont dès lors les hypothèses d’éventuels conflits d’intérêts ? D’un point de vue financier, l’ICNIRP a un budget annuel de 150 000 dollars en moyenne.95 Il perçoit principale- ment des subventions du ministère de l’environnement allemand, de l’Union Européenne et de l’International Radiation Protection Association (IRPA), l’institution dont est né l’ICNIRP. Ses membres sont rétribués pour leur participation et couverts pour leurs déplacements mais ne semblent pas recevoir de salaire permanent. La principale personne accusée de conflits d’intérêts est le premier président de l’ICNIRP : Michael Repacholi. Celui-ci a été président de l’ICNIRP de 1992 à 1996 et a quitté son rôle pour créer le projet CEM (Champs ElectroMagnétiques) à l’Organisation Mondiale de la Santé. Le projet CEM (ou EMF Project) a pour but d’évaluer les risques sur la santé des champs électromagnétiques de 0 à 300 GHz. Sans financement direct de l’OMS, ce projet a dû trouver ses propres fonds. Or ses publications de financement sont vagues et ne permettent pas d’identifier les donateurs. Dans ses publications, jusqu’en 2007, il n’y a que 2 lignes de revenus : “gouvernements” et “autres”.96

92 Anke Huss et al., “Source of Funding and Results of Studies of Health Effects of Mobile Phone Use: Systematic Review of Experimental Studies,” Environmental Health Perspectives, vol. 115, no. 1, janvier 2007, pp. 1-4; Lotte E.van Nierop, “Source of funding in experimental studies of mobile phone use on health: Update of systematic review,” Comptes Rendus Physique, vol. 11, no. 9–10, novembre-décembre 2010, pp. 622-627.

93 Pallavi Nair, Amit Kumar et Kameshwar Prasad, “Mobile phone use and risk of brain tumours: asystematic review of association between study quality, source of funding...,” Neurological Sciences, févri- er 2017.

94 “The rapporteur underlines in this context that it is most curious, to say the least, that the applicable official threshold values for limiting the health impact of extremely low frequency electromagnetic fields and high frequency waves were drawn up and proposed to international political institutions (WHO, European Commission, governments) by the ICNIRP, an NGO whose origin and structure are none too clear and which is furthermore suspected of having rather close links with the industries whose expansion is shaped by recommendations for maximum threshold values for the different frequencies of electromagnetic fields.If most governments and safety agencies have merely contented themselves with replicating and adopting the safety recommendations advocated by the ICNIRP, this has essentially been for two reasons:–in order not to impede the expansion of these new technologies with their promise of economic growth,technological progress and job creation;–and also because the political decision-makers unfortunately still have little involvement in matters of assessing technological risks for the environment and health.” Conseil de l’Europe, “The potential dangers of electromagnetic fields and their effect on the envi- ronment,” 6 mai 2011.

95 ICNIRP, “ICNIRP Activities: Report 2018,” 2018.

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 À partir de 2008, le tableau budgétaire disparaît et il est impossible d’identifier directement les financeurs non-gouvernementaux. Il apparaît que deux lobbies du secteur télécom financent le projet : le Mobile Manufacturers Forum (MMF) à hauteur de 150 000$ de 2005 à 2007 (au moins) et la GSM Association (GSMA), à hauteur de 150 000€ sur l’année 2005-2006.97 Le projet CEM semblerait avoir privilégié des relations soutenues avec les industriels des télécoms tout au long de son activité, finançant le projet CEM à moitié.98

Exemples des budgets publiés par le projet CEM de 2006 à 2008

Depuis sa retraite en 2006, Mike Repacholi a proposé ses services de consultation à différents acteurs gouvernementaux et privés et est resté très actif afin de démontrer qu’il n’y a pas de risques accrus de cancer liés aux téléphones portables. Une de ses collaboratrices, Emilie van Deventer reprit la direction du projet et le dirige toujours depuis. Eric van Rongen, un autre membre du projet CEM, est devenu président de l’ICNIRP depuis 2016.

  1. 96  EMF Project Committee Reports, “EMF Project Progress Reports,” 2005, 2006, 2015, 2016.

  2. 97  David Leloup, “Téléphonie mobile : trafic d’influence à l’OMS ?,” Agoravox, 26 janvier 2007, con-

sulté le 21 mars 2020.

98 Louis Slesin, “WHO WATCH:Mike Repacholi & the EMF Charade,” Microwave News, vol. 25, no. 3, juin-décembre 2005, consulté le 21 mars 2020.

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Une partie du groupe d’experts scientifiques de l’ICNIRP semble aussi avoir des relations plus ou moins directes avec des industriels ou renvoient des déclarations d’intérêts personnels non signées.99 En octobre 2019, l’OMS a lancé un appel pour étudier à nouveau les effets de la santé des radiofréquences et micro-ondes, probablement en raison de résistances croissantes vis-à-vis de la 5G. L’étude couvrira 10 thèmes (cancer, infertilité, électrosensibilité) et sera soumis à une revue systématique. C’est Emilie van Deventer, la directrice du projet CEM à l’OMS et membre de l’ICNIRP, qui a officieusement partagé l’appel à une liste de contacts, aucune annonce officielle n’ayant été faite. Les chercheurs intéressés disposaient d’un mois (jusqu’au 4 novembre 2019) pour présenter une publication. Un seul organisme a été prévenu dès mai 2019100: l’International Telecom Union (ITU), l’union internationale des télécoms, par le biais d’une présentation de Emilie van Deventer. Il est problématique que les professionnels des télécoms aient été avertis 5 mois avant la communauté scientifique experte.

L’ensemble du débat sanitaire sur la 5G repose donc sur un conflit de plus de trente ans entre l’ICNIRP, l’OMS, le projet CEM (EMF project) et une partie de la communauté scientifique. Le problème majeur avec l’ICNIRP et le projet CEM est que ce sont les mêmes personnes et les mêmes réseaux qui échangent en vase clos depuis 1992. De plus, des conflits d’intérêts existent avec les membres de ces deux organismes et peuvent mettre en doute la validité de leurs recommandations. Aujourd’hui, on ne peut donc pas assurer que les radiofréquences et les micro-ondes n’aient aucun effet sur la santé dans la mesure où l’ICNIRP et le projet CEM de l’OMS utilisent leurs positions pour amoindrir tout résultat qui contredirait leurs recommandations. D’autre part, au vu du manque de moyens et du manque de réseaux de pouvoir des équi- pes de chercheurs, on ne peut pas non plus affirmer que les ondes ont des effets néfastes sur la santé... Dès lors, il n’est pas impossible qu’un scandale sanitaire explose si l’ICNIRP et les industriels relâchent leur pression et leur influence sur la communauté politique et scientifique.

Il n’y a aujourd’hui aucune étude spécifique sur les effets d’ondes à 3,5 et 26 GHz, avec l’intensité du signal, la densité de couverture, la durée d’exposition propres à la 5G. Sur ce point, les gouvernements avancent à l’aveugle. Une des seules études disponibles aujourd’hui qui compile tous les résultats des expériences menées de 6 à 100 GHz n’a fait que souligner le manque crucial de données pour établir une conclusion et invite à intensifier la recherche.101 La plupart des gouvernements appuient pourtant le déploiement de la 5G sur les recommandations de l’ICNIRP et de l’OMS, et ne voient aucun problème dans leur modèle d’analyse. Le modèle, malgré des mises à jour, reste sensiblement le même depuis plus de 20 ans. Certains acteurs de la recherche s’opposent quant à eux à l’ICNIRP et à l’OMS, et mettent en avant l’augmenta- tion de possibles risques sanitaires ces dernières années et la nécessité deréaliser des tests en conditions réelles. 102

99 Avaate, “The World Health Organization Trusts a Private Entity with no Independent Experts to Set EMF Exposure Guidelines for the Purpose of Protecting the Health of the Population,” 15 juillet 2015, consulté le 21 mars 2020.

100 ITU, “Executive Summary of the ITU-T Study Group 5 Meeting “Environment, Climate Change and Circular Economy”, 13-22 May 2019, consulté le 21 mars 2020.

101 Myrtill Simkó et Mats-Olof Mattsson, “5G Wireless Communication and Health Effects—A Prag- matic Review Based on Available Studies Regarding 6 to 100 GHz,” Int J Environ Res Public Health, vol. 16, no. 18, septembre 2019,p. 3406.

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Relations entre les membres de l’ICNIRP et les organismes régulateurs 

Cette même communauté scientifique s’est structurée pour s’opposer au déploiement rapide de la 5G et par extension au standard de l’ICNIRP. Un moratoire envoyé en septembre 2017 demande par exemple à l’Union Européenne de stopper le déploiement de la 5G jusqu’à que l’absence d’effets sur la santé ait été démontrée, de nommer une équipe indépendante pour effectuer ce travail (comprendre : pas l’ICNIRP ou l’OMS) et de résister au travail des lobbyistes tout en favorisant le réseau fibré plutôt que sans fil.103 Ce moratoire fut signé par plus de 300 scientifiques et médecins du monde entier : on y retrouve d’ailleurs la plupart des scientifiques qui se battent pour prouver le lien entre l’augmentation des risques de cancer et l’usage d’un téléphone portable (Institut Ramazzini, IARC, etc). La réponse du commissaire européen fut sans surprise : il se réfèra en effet au travail de l’ICNIRP et du Scientific Committee on Emerging and Newly Identified Health Risks (SCENIHR), l’organisme sanitaire de l’Union Européenne, pour démontrer l’absence d’effets sur la santé.

102 Ronald N.Kostoff et al., “Adverse health effects of 5G mobile networking technology under re- al-life conditions,” Toxicology Letters, vol. 323, mai 2020, pp. 35-40.

103 “Scientist Appeal for 5G Moratorium,” 13 septembre 2017, consulté le 21 mars 2020.

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Le commissaire conclut sa lettre en rappelant que le principe de précaution ne peut être activé car décréter un moratoire sur le déploiement de la 5G serait une mesure trop drastique, préférant voir comment la technologie sera appliquée et comment la recherche scientifique évoluera.104

En France, l’Agence nationale de sécurité sanitaire de l’alimentation, de l’environnement et du travail (ANSES) a été mobilisée pour étudier les effets de la 5G (3,5 et 26 GHz) sur la santé. Dans son rapport préliminaire d’octobre 2019, le comité d’experts scientifiques ne pouvait que déplorer le grand manque de publications sur le sujet et avouer sa grande difficulté à émettre un avis à partir de si peu de données. En conclusion du rapport, le comité rappelait simplement que “compte tenu des spécificités des signaux de la 5G, peut-on anticiper l’exposition des populations et son impact sanitaire ?”.105 Face au manque de données sur les effets de la 5G sur la santé et au déficit de confiance dans les recommandations de l’ICNIRP et par extension de l’OMS, plusieurs municipalités en Europe ont décidé d’arrêter le déploiement de la 5G jusqu’à que preuve soit faite sur l’absence de danger. En Suisse, on compte les cantons de Genève, Jura, Kriens, et Neuchâtel.106 Le 15 mars 2020, plus de 150 communes italiennes ont refusé le déploiement de la 5G sur la base des risques sanitaires.107 Plusieurs départements britanniques ont aussi stoppé son déploiement (Brighton, Hove, Devonshire, Shepton Mallet, Somerset, Frome, Totnes, Wells, Glastonbury, Trafford), de même pour des départements irlandais et dans certaines villes américaines. Le parlement australien a demandé une enquête sur les effets de la 5G sur la santé. En résumé, les municipalités qui suivent plutôt les recommandations de l’IARC (sur les effets cancérigènes potentiels), du NTS et de l’institut Ramazzini, préfèrent invoquer le principe de précaution. Les autres municipalités qui suivent l’avis européen, c’est-à-dire les recommandations de l’ICNIRP et de l’OMS, continuent le déploiement de la 5G, excluant le principe de précaution en attendant d’en savoir plus.

Le volet sur les risques sanitaires devrait se clôturer par un historique et une ouverture sur le principe de précaution car c’est la notion clé pour prendre une décision en tant que citoyen et représentant du pouvoir public. L’UNES- CO définit le principe de précaution de la façon suivante : “Lorsque des activités humaines risquent d’aboutir à un danger moralement inacceptable, qui est scientifiquement plausible mais incertain, des mesures doivent être prises pour éviter ou diminuer ce danger”.108 La Commission Européenne et l’Agence Européenne de l’Environnement proposent leurs propres définitions, compliquant l’interprétation.

104 Cabinet of Commissioner Vytenis Andriukaitis, “Ares(2017) 5844097,” 29 novembre 2017, con- sulté le 21 mars 2020.

105 ANSES, “Exposition de la population aux champs électromagnétiques liée au déploiement de la technologie de communication «5G» et effets sanitaires associés, Rapport Préliminaire,” octobre 2019.

106 “Health concerns bring #5G to a standstill in #Switzerland,” Eureporter, 14 février 2020, consulté le 21 mars 2020.

107 Alleanza Italiana Stop 5G, “Moratoria nazionale subito in difesa della salute pubblica,” 20 mars 2020, consulté le 21 mars 2020.

108 Didier Bourguignon, “Le principe de précaution : Définitions, applications et gouvernance,” Ser- vice de recherche du Parlement européen, Parlement Européen, décembre 2015, p. 10, consulté le 21 mars 2020.

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Deux visions s’opposent sur le principe de précaution : certains le considèrent comme un bagage inutile et dangereux, ralentissant le progrès, d’autres le voient comme un principe utile pour protéger la santé humaine et environnementale face à des dangers complexes et mal identifiés. Ces visions perdurent en Europe depuis le XIXe siècle et l’installation des premières grandes infrastructures en ville. Ce sont en fait les visions de l’Angleterre et de la France qui s’imposent à cette époque, cristallisées par le déploiement du gaz en ville. Les anglais prônèrent un modèle d’innovation basé sur le laissez-faire, reconnaissant les dangers inhérents à la “machinerie” mais arguant que cela ne doit pas entraver l’innovation technique. Selon eux, l’innovation corrige les dangers et erreurs des machines de la génération précédente. Cette vision s’appuie sur trois éléments : une confiance dans le progrès technique capable de corriger ses propres erreurs, un principe économique où chaque erreur et accident est une perte de capital, et où la correction s’effectuera naturellement afin de minimiser les pertes et maximiser les profits; une propension à pointer du doigt l’erreur humaine plutôt que l’erreur de conception générale. Au même moment, les Français adoptèrent le principe d’innovation réglementée. Ce principe reconnaît la dangerosité fondamentale de la machinerie et met en place des outils de mesure, un corps d’experts et des seuils de sécurité, afin de rendre la machinerie utilisable tout en contrôlant les risques au maximum. Ce contrôle accru d’un acteur public ralentit de fait les cycles d’innovation, chaque nouvelle version devant être examinée par des experts et les seuils cadrant l’innovation technique l’empêchant de se développer “librement”. Ces deux principes s’affrontèrent lors de l’installation du gaz en France et en Angleterre incluant de larges citernes de gaz inflammable, de nombreux tuyaux et autres dispositifs dans l’espace urbain. De nombreuses explosions mortelles furent déplorées dans les deux pays. Au fur et à mesure des années, c’est bien l’innovation réglementée à la française qui permit de réduire significativement le nombre d’explosions et de victimes, jusqu’à ce que les citernes soient définitivement déplacées hors des villes.109 Ce retour en arrière nous permet de remettre en perspective les constructions intellectuelles anciennes et nous rappelle qu’il faut toujours faire attention à la façon dont les intérêts économiques modifient notre interprétation du principe de progrès et du principe de précaution.

Au vu de la façon dont se sont structurées les preuves scientifiques et les réseaux d’intérêts depuis 50 ans, et le manque cruel d’études sur les effets de la 5G en conditions réelles, il peut sembler raisonnable de faire appel au principe de précaution pour mettre en pause le déploiement de la 5G. Cela est d’autant plus important que le déploiement de la 5G a été imposé sans que l’on ait suffisamment de données pour évaluer l’absence ou la présence de divers effets nocifs possibles sur les humains et autres formes de vie animales et végétales.110

109 Jean-Baptiste Fressoz, “L’Apocalypse Joyeuse : Une histoire du risque technologique,” Seuil, Par- is, 2012.

110 “They refer to the fact that ”numerous recent scientific publications have shown that EMF affects living organisms at levels well below most international and national guidelines”. Effects include increased cancer risk, cellular stress, increase in harmful free radicals, genetic damages, structural and functional changes of the reproductive system, learning and memory deficits, neurological disorders, and negative impacts on general well-being in humans. Damage goes well beyond the human race, as there is growing evidence of harmful effects to both plants and animals.” Scientist Appeal for 5G Moratorium,” 13 septembre 2017, consulté le 11 juillet 2020.

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Controverse d’usages

Comprendre les usages de la 5G, c’est répondre à deux questions : à quoi servira la 5G et à quels usages la 4G ne répond-elle pas ? La quasi-intégralité des actions numériques (acheter un billet de train, lire une actualité, souscri- re à un service) fonctionnent de façon presque optimale sur les capacités fournies par le réseau 4G. La conception et le développement des services numériques provoquent parfois des ralentissements à cause de mauvaises pratiques, mais le réseau en tant que tel répond bien à la demande, sauf dans certaines zones sans couverture ou dans les zones où il y a une sur-utilisation de contenus lourds (streaming vidéo, etc). La plupart des services numériques actuels pourraient d’ailleurs être retravaillés pour utiliser moins de ressourc- es et moins de capacité réseau. Quoiqu’il en soit, la 5G est déployée sur la promesse d’usages dont on projette la rentabilité avec plus ou moins de certi- tudes. L’Arcep, le régulateur des télécoms en France, a proposé une liste d’us- ages de la 5G111 lorsque la Commission des Participations et des Transferts (CPT) a dû établir la valeur de la bande de fréquence de 3,5 GHz. Cette liste d’usages comprend :

  • Les vidéos à très haute résolution pour des usages de particuliers et de professionnels ;

  • La réalité virtuelle à 360° en connectivité sans fil ;

  • La connectivité à haut débit et faible latence entre les véhicules et

    les infrastructures de transports et de véhicules à véhicules, ou pour les

    usages de divertissement à l’intérieur des véhicules ;

  • Le suivi, pilotage et reconfiguration à distance de machines industrielles et

    de chaînes de production robotisées ;

  • Le suivi logistique de bout en bout d’un très grand nombre de colis ou

    d’articles, notamment dans les grands nœuds de triage ;

  • La récupération des données de la multitude de capteurs de la « ville intel- ligente » pour, par exemple, contrôler les flux routiers et les divers niveaux

    de pollutions ;

  • Les télé-opérations de toutes sortes, grâce à la faible latence et aux

    échanges d’images vidéo très précises, par exemple dans le domaine de

    la santé ou des exploitations minières ;

  • Le suivi précis des troupeaux dans les exploitations agricoles grâce à des

    capteurs sur le bétail.

    Cette première liste concorde avec celle que le secteur industriel télécom fait circuler depuis 2015. Les usages de la 5G sont généralement présentés sous forme d’une pyramide où chaque coin représente une fonctionnalité technique et des cas d’usages associés. Le coin supérieur de la pyramide est associé à la bande-passante mobile améliorée (enhanced Mobile Broadband (eMBB)) et à tous les usages liés au streaming de très haute définition : vidéos en 4K, réalité virtuelle et augmentée et 3D. Le coin inférieur gauche est généralement associé à la communication massive de machines (Massive Machine Commu- nication (MMC)) et correspond à la capacité de connecter des milliards de capteurs et d’objets connectés, à hauteur d’un million d’appareils par km2. 

111 ARCEP, “Grand dossier : la 5G,” 8 janvier 2020, consulté le 21 mars 2020.

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Le coin inférieur droit est associé à la communication critique de machines (Critical Machine Communication (CMC)), c’est-à-dire les communications entre machines qui ont besoin d’être effectuées le plus rapidement possible (voiture autonome, etc). La faible latence de la 5G est clé pour toute cette catégorie d’usages.112 Orange a proposé 4 cas d’usages pour mieux faire comprendre l’utilité de la 5G.113 Cependant, ces cas ne seront pas tous commentés car ce sont des scénarios de prospective de faible qualité qui relèvent plus du marketing. Un des scénarios imagine une femme enceinte, vivant dans un désert médical, suivre une consultation à partir d’un bus itinérant de télémédecine qui viendrait dans son village. Il semblerait que le point à traiter ici soit l’existence du désert médical, pas le déploiement de la 5G. La plupart de ces cas d’usage n’existent pas à l’heure actuelle, et pour cause, ils ont besoin des infrastructures techniques pour être déployés. Savoir si on veut faire advenir massivement ces cas d’usages est une autre histoire. Il semblerait qu’il n’y ait pas de demi-mesure, soit on prend tout le système soit on ne prend rien. Une troisième voie raisonnable qui permettrait de sélectionner avec parcimonie des usages utiles et identifiés ne semble pas envisageable.

Pyramide des usages de la 5G

Maintenant que nous connaissons un peu mieux les usages proposés, pouvons-nous répondre à la question de savoir si nous voulons, oui ou non, la 5G ? L’enquête consommateurs la plus vaste a été menée par Ericsson en 2019 et comprenait 35 000 participants dans 22 pays. Cette enquête a montré que 50% des “adopteurs précoces” (early adopters) étaient prêts à payer 32% de plus pour un forfait 5G. De plus, les utilisateurs sondés demandent avant tout une vitesse de connexion accrue (49%) et espèrent de nouveaux services et applications (43%).114

112 Attila Hilt, “Availability and Fade Margin Calculations for 5G Microwave and Millimeter-Wave Any- haul Links,” Appl. Sci., vol. 9, no. 23, 2019.

113 Maxime Blondet, “Le monde de la 5G vu par Orange,” Ariase, 22 janvier 2020, consulté le 21 mars 2020.

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 La même enquête prévoit qu’un utilisateur sur cinq consommera 200 Go par mois sur des appareils 5G. 50% des utilisateurs prévoient que leur consommation de données augmentera avec la 5G.115 En France, 44% des utilisateurs se plaignent d’un problème de connectivité avec leur forfait actuel, notamment dans les zones urbaines denses. Ericsson rapporte aussi que les Français seraient prêts à payer 30% de plus (9 euros) pour passer en 5G et projettent des pics de consommation mensuelle à 170 Go par mois.116 De façon générale, Ericsson projette que la consommation moyenne de données cellulaires sera multipliée entre 10 et 14 fois par rapport aux habitudes actuelles.117 Une étude étatsunienne de Pricewaterhouse- Coopers (PwC) estime que les trois priorités des consommateurs sont : une meilleure vitesse de connexion mobile, de meilleurs points d’accès WiFi et enfin, une meilleure fiabilité. Plus de la moitié des mêmes sondés déclarent ne pas avoir d’intérêt direct pour la 5G et préfèrent attendre la fin de vie de leur équipement actuel avant de penser un renouvellement. Les populations qui semblent les plus réceptives à la 5G sont les jeunes hommes (43%), les personnes vivant en zone urbaine dense (41%) et les personnes disposant d’un revenu supérieur à 100 000$ par an (40%).118 Les données de GSM Association indiquent à peu près les mêmes attentes : une amélioration de la vitesse et une meilleure couverture.119

Il existe peu de données permettant de vérifier les projections de consommation de données liées à la 5G. Le seul pays qui a effectivement déployé une partie de son infrastructure 5G et qui a ouvert ses données de consommation est la Corée du Sud. Les différences de consommation sont saillantes entre les forfaits 3G/4G/5G et entre forfaits limités et illimités. Sans grande surprise, les utilisateurs de forfaits 5G standards utilisent 5 fois plus de données que les forfaits 4G standards. Les utilisateurs de forfaits 5G illimité consomment 27 Go par mois contre 23 Go pour les forfaits 4G illimités. Au total, les utilisateurs de forfaits 4G consomment en moyenne 9,5 Go par mois (limités et illimités confondus) contre 24 Go par mois en moyenne pour les forfaits 5G.120 Ce qui est frappant avec ces chiffres, c’est la relation dynamique entre type de forfait (limité/illimité) et le type de réseau (3G/4G/5G). Cela tend à prouver que les usages se créent de façon dynamique entre la capacité d’un réseau et la facturation de la donnée sur ce réseau. L’utilisation du réseau ne pointe pas forcément vers la hausse, cette hausse est une réponse à l’amélioration des capacités du réseau et au prix des forfaits : l’usage d’un forfait illimité à faible coût (4G/5G) entraine majoritairement une hausse de la consommation. Ce phénomène est moins visible avec les forfaits limités. En somme, si toutes les projections d’augmentation du trafic mobile sont basées sur l’hypothèse de

114 Ericsson Consumer Lab, “5G consumer potential: Busting the myths around the value of 5G for consumers,” mai 2019, consulté le 21 mars 2020.

  1. 115  Ibid.
  2. 116  Ericsson Consumer Lab, “Comprendre la valeur de la 5G aux yeux du consommateur,” octobre 2019, consulté le 21 mars 2020.

117 Ericsson Consumer Lab, “5G consumer potential: Busting the myths around the value of 5G for consumers,” mai 2019, consulté le 21 mars 2020, p. 15.

118 PwC, “5G is coming. Consumers are ready,” 5G Consumer Intelligence Series, 2018, consulté le 21 mars 2020.

  1. 119  GSMA, “The 5G Guide: A Reference for Operators,” Avril 2019, p. 96, consulté le 21 mars 2020.

  2. 120  Philip Kendall, “5G Data Use Surges in South Korea,” Strategy Analytics, 1er août 2019, consulté le 21 mars 2020.

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déploiement du réseau 5G, on peut donc supposer que sans déploiement de la 5G la hausse du trafic se stabiliserait et ne justifierait plus ledit déploiement car la capacité du réseau ne permettrait pas une telle hausse et les usages liés aux forfaits limités et illimités stagneraient. Une rhétorique étrange s’est mise en place vis-à-vis des usagers : on explique qu’ils sont prêts ou pas, sous-entendant que le déploiement est inévitable, que le consentement est à construire et les usages à démontrer. Or les besoins exprimés par les usagers sont une meilleure vitesse, une meilleure couverture et fiabilité : tout cela est réalisable majoritairement par le biais de la 4G. Les industriels essayent de créer du consentement plutôt que de prouver concrètement l’utilité sociétale de cette infrastructure.121

Le seul usage grand public notable de la 5G est l’augmentation de la consommation de vidéo. La plupart des rapports de cabinets de conseil analysent que le cas client le plus lucratif sera l’usage de la réalité virtuelle et augmentée, estimant le marché à 292 milliards de dollars d’ici 2025.122 Huawei estime que les opérateurs pourraient capter 30% de ce marché et ainsi augmenter leur revenu moyen,123 cette projection est toutefois prise avec méfiance par les intéressés. Ceux qui font la promotion de la 5G promettent aussi aux opéra- teurs de nouveaux marchés, notamment avec la création d’offres professionnelles à l’usage de l’industrie, de la logistique et même de l’agriculture.

121 Il est plus facile de demander à ces citoyens s’ils veulent un meilleur débit pour regarder des vidéos que de leur demander s’ils sont pour ou contre les voitures autonomes, le jeu vidéo en streaming, la multiplication des capteurs, etc.

  1. 122  GSMA, “The 5G Guide: A Reference for Operators,” Avril 2019, p. 233, consulté le 21 mars 2020.

  2. 123  “As such, the model uses Cloud AR/VR as the exemplified consumer use case to drive incremental

ARPU in the fifth year post 5G launch. Huawei’s “5G Unlocks a world of opportunities: top ten 5G use cases” report estimates the market size for Cloud AR/VR by 2025 to be $292 billion. The operator addressable market opportunity will reach more than $93 billion (30% of the total). This is about 8% of overall operator revenue in 2025, giving a potential ARPU increment of $1.60 for a major, integrated operator in a developed market,” Ibid.

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Comparatif de la consommation mensuelle de données en Corée du Sud par rapport au type de forfait

 Ericsson a identifié que les opérateurs pourraient avoir accès à un marché de 619 milliards de dollars d’ici 2026 (contre 204 milliards aujourd’hui), représentant jusqu’à 50% de leurs revenus. Les secteurs à potentiel identifiés par Ericsson sont la production industrielle, la production d’énergie et de ressources (ex- ploitation minière, pétrole et gaz), la santé, la logistique, les transports publics, les médias, le secteur financier, l’automobile, la sûreté publique, la vente et l’agriculture. Ce potentiel s’explique par les applications de la 5G : véhicule connecté, automatisation en temps-réel, services vidéo améliorés, suivi et tracking, capteurs de maintenance, surveillance, etc.124 Les équipementiers montrent par exemple un certain appétit pour le secteur minier en proposant des services d’automatisation des machines.125 De même, la “smart city” semble servir de vitrine pour grand nombre d’applications de la 5G, une des plus notables étant l’explosion des systèmes de surveillance vidéo avec capacité d’analyse (“smart surveillance”). IHS Markit prévoit qu’il y aura 1 milliard de caméras de surveillance dans le monde d’ici 2021.126 En 2018, on notait déjà 4,6 habitants par caméra aux U.S.A. et 4,1 en Chine,127 et cette tendance ne devrait que s’accélérer. Ericsson a bien identifié la “smart surveillance” comme une application de la 5G qui représenterait un marché de 47 milliards de dollars d’ici 2026,128 notamment pour l’espace public et les transports. Ces futurs systèmes de surveillance vidéo sont vraisemblablement couplés à des systèmes de reconnaissance faciale qui soulèvent en eux-mêmes des enjeux démocratiques majeurs. La 5G est souvent vendue à travers ses applications pour la santé dont le marché est estimé à 76 milliards de dollars d’ici 2026 par Ericsson.129 L’équipementier estime qu’une grande partie de ce marché sera dédiée aux applications pour les patients, notamment des capteurs de suivi à distance, dont la communication ne pourrait apparemment pas s’opérer via la 4G. Ce type de déploiement nécessiterait d’équiper les hôpitaux d’une infrastructure réseau conséquente et Ericsson propose même de “transformer les hôpitaux en centre de données et les docteurs en data scientists.”130 Finalement, les cas d’usages pour la santé se situeraient au niveau du suivi des patients à distance, d’entraînements chirurgicaux à distance et en réalité virtuelle, de la gestion des données médicales et des opérations à distance. Ce type de cas d’usages montrent ce à quoi devrait ressembler un système de santé pour l’industrie des télécoms et du numérique, cependant, est-ce dans cette direction que nous souhaitons orienter notre système de soin ?

124 Ericsson, “The guide to capturing the 5G industry digitalization business potential,” 2018, con- sulté le 21 mars 2020; Ericsson, “Ericsson Mobility Report,” juin 2019, p. 19, consulté le 21 mars 2020.

  1. 125  Huawei, “5G Makes Mining Site Safer & More Efficient,” 19 juillet 2019, consulté le 21 mars 2020.

  2. 126  Liza Lin et Newley Purnell, “A World With a Billion Cameras Watching You Is Just Around the

Corner,” The Wall Street Journal, 6 décembre 2019, consulté le 21 mars 2020.
127 Oliver Philippou, “
The US has a security camera penetration rate rivalling China’s,” Informa, 10

décembre 2019, consulté le 21 mars 2020.

128 Ericsson, “The guide to capturing the 5G industry digitalization business potential,” 2018, p.3, consulté le 21 mars 2020.

129 Ericsson, “5G Healthcare: How will 5g affect healthcare?,” site internet Ericsson, consulté le 21 mars 2020.

130 “In order for the transformation of patient applications to happen, patient data will need to be stored centrally, effectively turning hospitals into data centers and doctors into data scientists,” Ericsson, “5G Healthcare: How will 5g affect healthcare?,” Ibid.

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Le déploiement de la 5G et de ses usages se caractérise par l’imposition de choix de société. Or ces choix devraient être discutés au préalable. Rien n’indique que les cas d’usages bénéfiques de la 5G (suivi de patients à distance, optimisation de la logistique) ne pourraient être réalisés par le réseau 4G. Du côté des utilisateurs, nous avons pu voir que la consommation de données est directement liée à la capacité du réseau, au prix et à la nature du forfait. Nous pourrions donc orienter la consommation pour la stabiliser et même la réduire si nous pensions nos forfaits et nos services numériques différemment. On omet donc de dire que les projections sur la hausse du trafic ne fonctionnent que si on déploie la 5G. C’est donc le déploiement de la 5G, et non pas la hausse du trafic.

Controverse géopolitique

Il existe 5 grands groupes capables de produire des infrastructures 5G : Ericsson (Suède), Nokia (Finlande), Huawei (Chine), ZTE (Chine) et Samsung (Corée du sud). Ericsson, Nokia et Huawei sont les trois leaders incontestables. Si les États-Unis n’ont pas d’industries directes capables de déploy- er des systèmes 5G complets, ils abritent toutefois des entreprises comme Qualcomm, Intel, Cisco ou Broadcom, qui produisent des processeurs, des modems et autres équipements de réseaux. À l’heure actuelle, l’équipementier le moins cher capable de livrer un système complet est Huawei. D’ailleurs, les opérateurs français SFR et Bouygues avaient fait le choix de Huawei, Orange a choisi un mix Nokia/Ericsson, et Free a sélectionné Nokia.131 Huawei a un avantage clair sur ses concurrents car le gouvernement chinois soutient le déploiement de la 5G et a débloqué des financements publics dans ce sens.132 De plus, une partie des composants des équipements 5G sont produits en Chine, réduisant leur prix de revient pour Huawei ou ZTE. Cependant, le gouvernement étatsunien estime que Huawei est trop proche du gouvernement chinois et notamment de ses services de renseignement. Cette hypothèse s’appuie sur le fait que le PDG de Huawei, Ren Zhengfei, étant un ancien ingénieur de l’armée chinoise, il serait obligé de fournir des informations aux services de renseignement chinois,133 selon une loi chinoise sur le renseignement datant de 2017. Bien que Huawei s’est défendu d’une telle obligation, il y a bel et bien un risque à intégrer du matériel chinois sur les réseaux télécoms nationaux. De façon générale, de nombreux pays espionnent leurs voisins, soit en ayant la main sur l’infrastructure, soit en la piratant.

131 Iliad, “5G: strategic agreement with European network equipment supplier Nokia,” communiqué de presse, 2 septembre 2019, consulté le 21 mars 2020.

132 Chuin-Wei Yap, “State Support Helped Fuel Huawei’s Global Rise,” The Wall Street Journal, 25 décembre 2019, consulté le 21 mars 2020.

133 “Is Huawei compelled by Chinese law to help with espionage?,” Financial Times, consulté le 21 mars 2020.

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Edward Snowden a prouvé en 2013 que le programme d’espionnage massif (PRISM) organisé par les États-Unis s’appuyait sur des accès privilégiés aux services numériques américains ainsi que sur la collaboration d’IBM et de Cisco. Ces derniers ont d’ailleurs vu leur chiffre d’affaires s’écrouler après ces révélations,134 notamment avec une perte de chiffre d’affaires de 40% en Chine pour IBM. D’autre part, les services secrets britanniques et américains ont un passif de mise sur écoute des câbles sous-marins reliant les différents réseaux d’Internet.135 En résumé, les étatsuniens font pression sur la scène internationale pour empêcher le déploiement d’infrastructures sur lesquelles ils n’ont pas de géant industriel en première ligne. Pour ce faire, ils alimentent les controverses autour du risque d’espionnage par le gouvernement chinois, qui est plausible, mais qui n’est guère différent de l’espionnage systématique des services de renseignement étatsuniens. Il semblerait alors que l’Europe ait pour seul choix de décider si elle préfère être espionnée par l’un ou par l’autre.

Top des
vendeurs globaux d’équipements 5G

Comment alors les États-Unis ont-ils tenté d’imposer le blocus de Huawei et ZTE à leurs partenaires européens ? Ils ont fait valoir les risques d’espionnage et ont brandi le chantage commercial. Tout d’abord, le gouvernement étatsunien a banni l’achat de tout équipement télécom, ciblant notamment ZTE et Huawei pour les affaiblir économiquement.136 Le cabinet de Donald Trump a sommé leurs partenaires européens de montrer leur loyauté, avec peu de succès sauf pour les Australiens et les Néo-Zélandais.

134 David Feugey, “IBM poursuivi pour avoir collaboré avec la NSA,” Silicon.fr, 16 décembre 2013, consulté le 21 mars 2020; Ariane Beky, “Résultats : Cisco ne dit pas merci à la NSA,” Silicon.fr, 14 novembre 2013, consulté le 21 mars 2020.

135 Olga Khazan, “The Creepy, Long-Standing Practice of Undersea Cable Tapping,” The Atlantic, 16 juillet 2013, consulté le 21 mars 2020.

136 Carrie Mihalcik, “FCC bars Huawei, ZTE from billions in federal subsidies,” Cnet, 22 novembre 2019, consulté le 21 mars 2020.

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Les Britanniques, alliés de longue date des U.S.A., ont décidé d’aller à l’encontre des injonctions étatsuniennes et ont autorisé Huawei à équiper jusqu’à 35% de leur réseau radio (Radio Access Network (RAN)), provoquant l’ire du cabinet présidentiel étatsunien.137 En décembre 2018, les États-Unis ont ordonné l’arrestation de la directrice financière de Huawei, Meng Wanzhou, fille du PDG du groupe, sur la base de preuves de commerce du groupe avec l’Iran. Elle sera arrêtée sur le sol canadien, montrant l’alignement de ce dernier avec les intérêts de son voisin. La justice étatsunienne formulera 23 chefs d’accusation en janvier 2019. Son procès en extradition s’est ouvert à Vancouver le 21 janvier 2020. Entre temps, les services de renseignement allemands et britanniques ont assuré que le risque d’espionnage par Huawei était gérable ou non-démontré et ne représentait pas un élément bloquant.138 Face  à cette offensive, Huawei a répondu soit par l’investissement dans les pays européens, soit par la menace d’arrêter son déploiement dans le continent.139 Le chantage américain semble avoir obtenu des résultats mitigés de la part de leurs partenaires : la méfiance grandit envers les États-Unis sur bon nombre de sujets (OTAN, OMC, etc) et les géants chinois continuent leur course, mis à mal par les actions étatsuniennes mais soutenus par le gouvernement chinois. Si la guerre commerciale et idéologique de la 5G s’est axée sur le contrôle de l’infrastructure, il ne faut pas oublier de regarder d’où viennent les données qui circulent sur ces réseaux. En Europe, 80 à 90% du flux de données provient de services étatsuniens (Akamai, Google, Amazon, Youtube, Netflix, réseaux sociaux, etc) sans que cela n’émeuve grand monde. L’Europe se retrouve dans une situation ambiguë où les États-Unis forcent la main pour influencer le choix de l’infrastructure européenne, sur laquelle circuleront les données produites par des services étatsuniens et qui deviendront la propriété de ces groupes privés grâce à la législation américaine (Cloud Act). Contester la mainmise chinoise sur l’infrastructure télécom de la 5G semble raisonnable, mais ne faudrait-il pas, dans le même mouvement, contester la mainmise étasunienne sur les contenus qui circulent sur ces réseaux ?

Deux autres batailles se jouent autour de la 5G, celle de la propriété intellectuelle et celle de la sécurité. De nombreux équipements de pointe sont conçus par des équipes d’ingénieurs. Pour les grands groupes qui les emploient, il est nécessaire d’obtenir la mainmise sur ce qu’on appelle les brevets essentiels (Standard Essential Patents (SEP)). Les premiers à déposer des SEP créent la norme pour les équipements. Ceux-ci ont une grande valeur de marché et permettent l’obtention de royalties. En janvier 2019, Huawei disposait de 1529 SEP, 1397 pour Nokia, 1208 pour ZTE, toutes les autres entreprises suivant derrière. La Chine dispose aujourd’hui de 35,5% des SEP, l’Europe en dispose de 23%, la Corée du Sud de 21,4% et les États-Unis de 14,3%. Sur ce terrain la Chine a pris une avance considérable et fixera sûrement les normes pour l’industrie avec les équipementiers européens. Cela représente un changement considérable puisque les industries étatsuniennes avaient auparavant dominé le secteur des télécoms avec leurs géants (IBM, Cisco, ...) et imposé leurs standards.

137 Tridivesh Singh Maini, “Transatlantic Relations in Crisis: Huawei Gets Partial Access in European 5G Networks,” The Geopolitics, 15 février 2020, consulté le 21 mars 2020.

138 “UK says Huawei is manageable risk to 5G,” Financial Times, consulté le 21 mars 2020; “German IT watchdog says ‘no evidence’ of Huawei spying,” The Local De, 16 décembre 2018, consulté le 21 mars 2020.

139 Joe Miller, “Huawei warns it may pull out of some countries,” BBC, 22 janvier 2019, consulté le 21 mars 2020.

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Répartition des pays possédant le plus de brevets (SEP) concernant la 5G

En terme de sécurité et de cybermenace, de nombreuses failles ont été identifiées dans l’architecture du réseau 5G. Son niveau de complexité et de virtualisation créent naturellement des failles qui seront exploitées et sûrement corrigées dans un avenir proche, en espérant que les dégâts soient limités. Parmi les vulnérabilités et les attaques possibles, des équipes de chercheurs ont identifiés des attaques sur la batterie des appareils, drainant celle-ci 5 fois plus vite, ainsi que des attaques sur la vitesse des appareils.140 Selon des chercheurs, il existerait onze vulnérabilités exploitables sur le réseau 5G : de l’obtention de la localisation d’un appareil à l’envoi de faux messages d’alerte.141 La 5G héritera aussi des vulnérabilités de la 4G, car les deux réseaux vont devoir cohabiter ensemble et cette colocation sera aussi une source potentielle d’attaques.142 Il faut donc s’attendre à voir un certain nombre de nouvelles attaques s’organiser à partir des vulnérabilités de la 5G. Cette vulnérabilité est constituante à la 5G pour deux raisons : un haut niveau de virtualisation du réseau (déploiement accru de logiciels et donc de risques) et le nombre faramineux d’objets connectés qui sont censés être déployés dans la traîne de la 5G. Tous ces nouveaux capteurs, caméras de surveillance, objets connectés de toutes sortes, seront des points d’accès à des réseaux beaucoup plus denses et difficilement défendables.

140 Altaf Shaik et al., “New vulnerabilities in 4G and 5G cellular access network protocols: exposing device capabilities,” WiSec ‘19: Proceedings of the 12th Conference on Security and Privacy in Wireless and Mobile Networks, mai 2019, pp. 221–231

141 Syed Rafiul Hussain et al., “5GReasoner: A Property-Directed Security and Privacy Analysis Framework for 5G Cellular Network Protocol,” Conference: the 2019 ACM SIGSAC Conference, novembre 2019.

142 Karen Epper Hoffman, “5G inherits some 4G vulnerabilities,” GCN, 21 octobre 2019, consulté le 21 mars 2020.

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Conclure ensemble

Le but de ce rapport était de rééquilibrer les forces en présence. Une certaine couverture médiatique a présenté les bénéfices et les futurs usages de la 5G, cependant presque rien n’a été dit sur l’incertitude économique, sur l’empreinte écologique et énergétique totale, sur l’assaut foncier de l’espace public, sur les tensions scientifiques concernant les risques sanitaires, sur la per- tinence des usages ou sur les risques géopolitiques. Cette analyse globale doit nous rappeler que la capacité d’innovation, chère aux acteurs étatiques, économiques et industriels, ne consiste pas uniquement à additionner toujours plus de systèmes technologiques. L’innovation consiste aussi à savoir quand il ne faut pas suivre le mouvement général, quand il faut décrire ce dont nous avons besoin et ce que nous souhaitons dans les contraintes matérielles d’un monde de plus en plus fragilisé par les activités humaines.

Au vu des éléments avancés dans ce rapport nous pouvons maintenant nous demander collectivement si nous souhaitons déployer le réseau 5G et la longue traîne de technologies associées (smart city, voitures autonomes). Souhaitons-nous plutôt orienter notre effort collectif vers l’entretien et la soutenabilité des systèmes existants, notamment la fibre en France ? Ce pari semblerait moins risqué et bien plus pertinent au vu des immenses efforts de transition sociale, énergétique, écologique, économique à opérer rapidement. L’enjeu du siècle se situe bien là et non pas dans la massification des voitures autonomes, de l’internet des objets et de la smart city. Ces derniers sont des enjeux ponctuels et à court-terme qui n’appartiennent qu’à quelques acteurs industriels et financiers. Ils ne constituent en rien un projet de société équitable, au mieux ils maintiennent le rapport de pouvoir qui met les communautés humaines au service du projet économique de ces acteurs. Un projet politique est à construire sans ces chimères.

Alors reprenons ensemble les arguments soulevés. Du point de vue économique le déploiement de la 5G constitue un cas d’école de verrouillage économique où on vend l’infrastructure sur la promesse d’une hausse du trafic mobile et d’une rentabilité future. Les opérateurs seront alors forcés de faire advenir ce trafic en favorisant des services consommateurs de données afin d’être rentable. Or, comme le prouve le cas sud-coréen, l’évolution du trafic est lié dynamiquement au type de forfait (limité/illimité) et à la capacité de l’infrastructure. La hausse du trafic n’est pas pas une prédiction ni une fatalité, c’est une hypothèse que les opérateurs peuvent choisir de matérialiser ou non.

Du point de vue énergétique, des données cruciales n’ont jamais été produites, empêchant de chiffrer l’impact écologique et énergétique total de l’infrastructure. Nous savons que la 5G entraînera la fabrication de milliards de nouveaux smartphones et d’objets connectés et de dizaine de millions d’antennes et équipements réseau. L’énergie et les ressources nécessaires à cette fabri- cation n’ont jamais été intégrées dans les mesures d’impacts mais tout porte à dire que cela n’est pas soutenable au vu des transitions à opérer et des stocks de ressources disponibles. La recherche de l’efficacité énergétique des équipements n’est qu’une diversion par rapport à la question concrète de la fabrication des équipements, d’autant plus que ces équipements vont être multipliés du fait de la densification du réseau et que ceux-ci consommeront malgré tout plus d’électricité en valeur absolue.

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Les enjeux fonciers et la négociation avec les municipalités sont des inconnus qui rendent incertains le déploiement et la rentabilité du réseau. La nature du réseau 5G enfermera probablement les opérateurs dans un déploiement intensif dans les zones urbaines au détriment des zones rurales. Une guerre de l’espace urbain se jouera entre municipalités, opérateurs, acteurs privés pour déployer le réseau sans le consentement des citoyens. Le cas américain nous montre comment l’autoritarisme de l’État sert à imposer l’infrastructure, au détriment des citoyens et des élus concernés. Face à des bas loyers imposés pour une infrastructure non souhaitée, la résistance citoyenne et juridique paraît légitime.

La controverse autour des effets sanitaires, à défaut de pouvoir clairement statuer dessus, nous montre des relations de pouvoir opaques entre les acteurs privés (ICNIRP) et transnationaux (OMS, Projet CEM, SCENIHR). Ces relations influencent de fait la recherche et doit nous amener à la prudence vis-à-vis des résultats défendus par ces entités. De plus, les acteurs en position de pouvoir bloquent l’émergence de résultats différents ou contradictoires. Il n’est donc pas possible de savoir quels sont les effets sanitaires réels. En outre, il n’existe aucune étude sanitaire sur les effets de l’exposition aux fréquences 5G en conditions réelles. Se référer au principe de précaution est une mécanisme potentiellement activable pour ralentir le déploiement, voire le stopper ponctuellement.

Les usages promis par la 5G seront plus faciles à refuser maintenant qu’une fois déployés car ils peuvent créer une habitude, voire une accoutumance. Dans les conditions actuelles (réchauffement climatique, crise sanitaire, etc), avons-nous besoin de regarder une vidéo en streaming en 4K sur un téléphone ? Souhaitons-nous faire advenir les voitures autonomes et transformer les hôpitaux en centres de données, comme le propose Ericsson ? De plus, les possibles bénéfices de la 5G dans l’industrie et la logistique peuvent être atteints avec le réseau existant. Devant la fragilité de notre monde, quels usages nous semblent les plus souhaitables et prioritaires ?

Le discours de la peur autour de l’infrastructure 5G de Huawei ne doit pas nous faire oublier qu’elle servira à faire transiter des services étatsuniens (Amazon, Akamai, Netflix, Youtube, etc). Ce sont ces services qui influent sur la charge des réseaux et poussent les opérateurs dans l’escalade du trafic en Europe. Ils profitent d’une fiscalité avantageuse (impôt sur les sociétés GAFAM : 0,3%) comparée aux opérateurs français (impôt sur les sociétés : 7,6%)143 et sont protégés par les lois de leur pays pour l’appropriation de données personnelles partout où ils opèrent. Les États-Unis tentent d’embarquer ses partenaires de leur guerre commerciale alors que les états européens devraient plutôt être prudents à l’ouest comme à l’est. Les États-Unis n’ont pas attendu la 5G pour espionner leurs alliés et leurs ennemis, de même pour l’État chinois. Par contre les services étatsuniens ont déjà la mainmise sur la plupart des contenus numériques.

143 Fédération française des Télécoms, “Économie des Télécoms 2018,” consulté le 20 mars 2020.

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Imaginons un instant que nous refusions de vivre dans un monde fou dicté par les intérêts financiers de quelques uns. 

- Premièrement nous nous dirions que les usages concrets de la 5G comme le visionnage de vidéo en 4K ou en réalité virtuelle ne nous intéressent pas, que nous sommes déjà satisfaits avec ce que nous avons à disposition et que d’autres formes de divertissement sont possibles. 

- Dans un second temps, nous déciderions d’annuler la vente des fréquences, voire de l’interdire, pour concentrer plutôt notre effort sur la maintenance et le renforcement des réseaux existants (fibre), qui ont fait leur preuve. 

- Dans un même mouvement, nous favoriserions les forfaits limités afin de lisser le trafic en laissant le choix aux usagers sur la façon dont ils veulent utiliser leurs données. -

- Finalement, en nous basant sur les réseaux 3G/4G nous créerions de nombreux services efficaces et à faible impact pour notre industrie et nos acteurs publics, produisant des effets économiques similaires à ceux promis par la 5G. 

Là se situerait notre vraie capacité d’innovation. Ce projet de société est tout aussi réalisable. Alors à la croisée des mondes, lequel choisirez-vous ?

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Un rapport conçu, écrit et illustré par Gauthier Roussilhe et diffusé le 1er avril 2020.

Cette version du rapport a été mise à jour en juillet 2020 sans intégrer la nouvelle littérature scientifique publiée dans cet intervalle.

L’auteur souhaite remercier Camille Madjarian, Lucie Noyons, Nicolas Nova, Romuald Priol, Richard Hanna, Geoffrey Riberry et Romain Carbou pour leurs conseils et leurs relectures.

La première mise à jour a été permise grâce à Bastien Maubert que l’auteur souhaite aussi remercier.

Attribution - Pas d’Utilisation Commerciale - Partage dans les Mêmes Conditions 4.0 International (CC BY-NC-SA 4.0)

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Image personnelle qui est seulement une

illustration de ce que peuvent subir des riverains  d'antennes diverses , sans le savoir

Les pavés coloriés indiquent les fréquences , en GHz , qui bombardent ( impulsions)  l'intérieur d'une maison dans  ce quartier 

3_4 indique la présence efficace d' une ou des fréquences comprises entre 3GHz  et 4GHz
 



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