L’impartialité du Conseil constitutionnel mise en cause devant l’ONU
Les associations Greenpeace, France nature environnement et La Sphinx dénoncent la composition du Conseil constitutionnel auprès du Comité d’Aahrus et accusent la France de leur empêcher l’accès à une justice impartiale. Comment deux anciens ministres peuvent-ils se prononcer sur la constitutionnalité d’une loi alors qu’ils ont participé à son élaboration ?
La Convention d'Aarhus est un texte international qui concerne les aspects démocratiques en matière environnementale. Le Comité onusien du même nom est chargé de veiller à son respect.
Une question prioritaire de constitutionnalité sur une disposition approuvée par deux membres du Conseil constitutionnel
Le 2 avril 2021, un permis de construire a été accordé à l’entreprise TotalEnergies par la mairie de Palaiseau. Le groupe prévoyait d’implanter un centre de recherche et d’innovation en plein cœur du campus de l’École polytechnique. L’association étudiante « La Sphinx », fermement opposée au projet, dépose un recours devant le Tribunal administratif de Versailles afin d’obtenir l’annulation du permis de construire.
La juridiction administrative versaillaise rejette l’action sur le fondement de l’article L 600-1-1 du code de l’urbanisme. Selon cette disposition, le recours de l’association étudiante n’est pas recevable. Elle a intégré la protection de l’environnement dans ses statuts en février 2021, soit moins d’un an avant l’affichage de la demande de permis de construire en mairie. Elle ne peut donc pas s’opposer au projet immobilier.
Estimant que cet article du code l’urbanisme nuit gravement à son droit d’agir en justice, La Sphinx transmet une question prioritaire de constitutionnalité (QPC).
Le 1er avril 2022, le Conseil constitutionnel décide que seuls les recours formés par des associations vieilles de plus d’un an sont recevables.
La loi vise seulement à éviter les recours abusifs. En effet, le législateur a souhaité empêcher que des associations ne se créent uniquement pour faire annuler de nouveaux projets immobiliers.
Le problème est que ce nouveau délai d’un an a vu le jour en 2018 avec la loi ELAN, entrée en vigueur lorsque deux membres du Conseil constitutionnel étaient en poste au gouvernement.
Deux anciens ministres qui ne se sont pas déportés
Jacques Mézard et Jacqueline Gourault font partie des membres qui ont examiné la QPC. Ils ont été tous deux Ministre de la Cohésion des territoires dans différents gouvernements d’Emmanuel Macron.
D’après un article du journal Le Monde, ces deux anciens ministres ont défendu publiquement l’élaboration de la loi ELAN, et plus particulièrement, la disposition visée par la QPC. Le 3 octobre 2018, M. Mézard défendait à l’Assemblée nationale « les mesures du texte pour lutter contre les recours abusifs dans les contentieux de l’urbanisme ». Le 16 octobre 2018, Mme Gourault se félicitait de l’adoption de mesures « visant à accélérer le traitement des recours et renforcer la lutte contre les recours abusifs ». Elle prendra une circulaire quelques jours plus tard pour faire appliquer immédiatement l’article L 600-1-1 du code de l’urbanisme.
Bien que le règlement intérieur du Conseil constitutionnel n'oblige pas ces deux anciens membres du gouvernement à se déporter, les ONG leur reprochent de ne pas l'avoir fait et d'être intervenus dans la décision. Ne préférant sans doute pas poser une nouvelle question de constitutionnalité à ce propos, elles se tournent vers l’ONU pour le dénoncer aux côtés des associations Greenpeace et France nature environnement.
Outre la problématique d’impartialité relevée dans cette décision, le Conseil constitutionnel étant majoritairement composé d’anciens responsables politiques, le contresens institutionnel peut légitimement être soulevé dans bien d’autres circonstances.
Le « plan Juppé » au Conseil constitutionnel
Par exemple, le Conseil constitutionnel examine actuellement la constitutionnalité de la réforme des retraites. Alain Juppé, membre de ce Conseil, a lui aussi tenté d’initier une réforme des retraites quand il était le premier ministre de Jacques Chirac.
Comment oublier le « plan Juppé » et la vague de contestation sociale qu’il a déclenchée au mois d’octobre 1995. À l’époque, 1 million de personnes manifestaient contre l’extension de la durée de cotisation des fonctionnaires et la suppression des « régimes spéciaux ».
Deux mesures qui seront finalement abandonnées, mais peut-être déclarées constitutionnelles par son auteur, 28 ans plus tard.
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