L’Italie interdit les manifestations anti-passe sanitaire dans les centres-villes
L’Italie interdit les manifestations anti-passe sanitaire dans les centres-villes
Les manifestations contre le passe sanitaire obligatoire en entreprise et dans les lieux publics seront désormais interdites dans tous les centres-villes et les rues commerçantes de la Péninsule. Ce dispositif poussé par les associations de commerçants et mis en place par le ministère de l’Intérieur, entrera en vigueur à partir du 13 novembre. Certains crient au viol de la constitution.
Il y a un peu moins d’une semaine, voulant attirer l’attention sur le risque d’une quatrième vague de Covid, le président de la République italienne avait tiré la sonnette d’alarme à l’occasion de la dernière assemblée de l’association des communes italiennes (ANCI). Pour Sergio Mattarella, « au cours des dernières semaines, les manifestations qui parfois n’étaient même pas autorisées, ont tenté de faire passer les attaques contre les activités économiques comme étant l’expression de la liberté de penser. Outre la menace portée à l’ordre public, avec souvent l’absence ostensible de dispositifs de protection personnelle et en violation des normes anti-Covid, ces rassemblements ont provoqué une augmentation dangereuse des contaminations ».
Dans le viseur du président ? Les manifestations anti-passe sanitaire qui depuis sa mise en place obligatoire dans tous les lieux publics, en août, et en entreprise le 6 octobre dernier, se sont multipliées chaque samedi d’un bout à l’autre de la Péninsule. Mais aux plaintes des commerçants se sont ajoutés les cris d’alarme des soignants. Alors que l’Italie commençait à faire figure d’exemple un peu partout dans le monde – l’adoption de mesures extrêmement strictes et la campagne de vaccination rondement avaient permis de juguler l’épidémie – l’accumulation des regroupements protestataires serait la principale cause de la remontée de la courbe épidémiologique. L’exemple de Trieste a surtout été utilisé : le 15 octobre dernier, les dockers de cette ville du Frioul avaient appelé à la grève contre ce passe sanitaire obligatoire. Dans la foulée, la presse annonçait une véritable explosion des contaminations dans la ville.
Climat social incandescent
Mercredi, l’appel du chef de l’État semble donc avoir été bien entendu par les préfets qui ont demandé au ministre de l’Intérieur, l’ex-préfète Luciana Lamorgese, d’encadrer les cortèges. Les interdire carrément aurait été contraire aux principes de la démocratie et risquait aussi de mettre le feu aux poudres alors que le climat social est déjà incandescent. Aussi, la ministre de l’Intérieur a préféré biaiser et s’inspirer du modèle mis en place en 2009 par son prédécesseur Roberto Maroni, à l’époque numéro 2 du parti de la Ligue (extrême droite). Pour mettre un terme aux combats quasiment quotidiens entre les forces de l’ordre et les étudiants qui protestaient contre les coupes budgétaires dans l’Éducation introduites par le gouvernement de Silvio Berlusconi, le ministre de l’Intérieur avait limité l’accès aux zones sensibles et aux quartiers particulièrement fréquentés à des motifs sociaux, culturels et religieux. L’objectif était de « garantir le droit de se réunir et de manifester librement tout en préservant, le bon déroulement de la cohabitation entre les individus ».
Un précédent sacrément pratique pour la locataire actuelle de l’Intérieur. Celle-ci ne risque donc pas de se faire réprimander par Matteo Salvini, le grand manitou de la Ligue, toujours prêt à faire feu de tout bois pour contester le gouvernement dont il fait pourtant partie, afin de satisfaire les franges antivax, anti-passe ou anti-masque de son électorat.
« Un diktat qui viole le droit de manifester »
Dès samedi, il n’y aura donc plus de manifestations dans les centres-villes et les rues commerciales. Les contestataires devront désormais se retrouver loin des objectifs dits sensibles. En revanche, ils pourront organiser des sit-in dans ces quartiers mais en portant le masque et en respectant la distanciation d’au moins un mètre entre chaque manifestant. Autant dire mission impossible.
Privés de la visibilité des centres-villes, les contestataires sont déjà sur le pied de guerre alors que le décret est encore tout chaud. Pour l’Union des syndicats de base (UBS) : « cette décision est un véritable diktat qui viole la Constitution et le droit de manifester. Elle introduit un précédent dangereux qui permettra aussi d’introduire de nouvelles restrictions envers les personnes qui dérangent Mario Draghi, ses ministres et ses grands électeurs alors que le gouvernement s’apprête à adopter une loi budgétaire particulièrement sévère et qu’il relance la privatisation. »
Des cortèges sont prévus dans toute l’Italie samedi prochain. Petite note de couleur : à Milan, Robert F. Kennedy Jr., le fils du frère de John, mis à l’écart par sa famille pour son covido-scepticisme, marchera parmi les manifestants.
Commentaires
Enregistrer un commentaire