Est-il possible de truquer les élections présidentielles ?

 De : https://lecourrierdesstrateges.fr/2022/03/24/est-il-possible-de-truquer-les-elections-presidentielles/?

Est-il possible de truquer les élections présidentielles ?

Truquer les élections présidentielles ? L'idée est évidemment bannie et interdite dans les medias subventionnés, mais elle fait le tour de la "Netosphère", où les rumeurs circulent dans une vraie effervescence sur le sujet. Une personne très sérieuse m'a même envoyé une vidéo assez longue affirmant que, en 2017, Jean Lassalle aurait dû être au deuxième tour, alors qu'Emmanuel Macron n'avait même pas recueilli 5% au premier tour. Mais tout aurait été truqué dans les grandes largeurs ! Il me semblait donc utile de faire un petit point rationnel sur cette question du trucage des élections.

Truquer les élections présidentielles serait devenu, si j’en crois de nombreux récits ou de nombreuses interpellations, un sport national en France. Et je vois bien que certains n’en démordent pas…

Comme j’ai eu le malheur de présider pas mal de bureaux de vote dans ma jeunesse (activité civique, certes, mais fastidieuse et peu gratifiante, croyez-moi), il ne me paraissait pas inutile aujourd’hui de faire un petit point à tête reposée sur la question du trucage électoral. 

Et, si vous me le permettez, je vais le faire de mon point de vue tout à fait subjectif d’ancien président de bureaux de vote. 

La science électorale n’est pas une science exacte

L’une des premières choses que j’ai apprises lorsque j’ai commencé à présider des bureaux de vote, je la tiens de la bouche du directeur des services de la mairie où j’officiais (une mairie d’arrondissement à Paris) : la science électorale n’est pas une science exacte. 

Quoi que l’on fasse, il existe toujours une différence finale entre le nombre de personnes qui ont réellement voté, et les voix comptabilisées. 

Cette différence ne tient pas à la fraude, mais le plus souvent à l’incompétence parfaite de certains présidents de bureau de vote, et parfois au hasard qui fait mal les choses (j’ajouterai, pour avoir, quelques années plus tard, trempé dans l’organisation du baccalauréat, que ces inexactitudes existent aussi dans nos examens nationaux, où le nombre de copies rendues correspond rarement au nombre de copies corrigées, pour des raisons qui ne tiennent pas à la malhonnêteté du système, mais à la désinvolture de certains enseignants). 

Bref, il existe une infime différence traditionnelle entre le vote exprimé et les résultats proclamés, mais c’est la faute à pas de chance, dans la plupart des cas. 

Distinguer l’erreur et la fraude

Je pressens que cette mise au point va susciter encore pas mal de fantasmes, donc je précise le propos. 

La première fois que j’ai présidé un bureau de vote (en 1995, je pense, ce devait être aux présidentielles, mais je n’en suis plus sûr), il me semble que j’avais trois ou quatre bulletins de plus que les signatures. Autrement dit, trois ou quatre personnes avaient voté sans avoir signé la liste d’émargement. 

C’était, au fond, un bon score, si j’en juge au Président du bureau qui partageait avec moi l’école où j’étais, car lui constatait une différence de vingt bulletins au moins. À ma décharge, j’étais débutant, et lui était très expérimenté. Il avait dirigé son bureau comme il l’avait toujours fait, car lui savait, et ce n’était pas les “technos” de la mairie qui allaient lui apprendre comment faire. 

C’est ce genre de comportement imbécile (de plus en plus répandu dans notre société, d’ailleurs) qui explique le flou (relatif) de certains résultats. 

Une fois les opérations de dépouillement et de comptage terminées, une fois les résultats proclamés et affichés dans le bureau de vote, il fallait apporter les bulletins et les résultats à la mairie d’arrondissement, qui les transmettaient ensuite à la mairie centrale, qui les transmettait à la préfecture. 

J’imagine qu’à chacune de ces étapes, des “corrections” étaient pratiquées, de la même manière que je devais délivrer des résultats aux élèves qui passaient des examens, mais dont la copie avait été perdue. On s’arrange, on s’adapte. La science électorale n’est pas une science exacte. 

Dans la pratique, ces corrections ne dépassaient pas 1% des suffrages exprimés et probablement moins de 0,5%. Elles expliquent pourquoi il peut exister une différence marginale dans la remontée des résultats, qui ne relèvent pas de la fraude, mais de la correction des erreurs. 

Je dois ajouter que des présidents de bureaux de vote m’ont parfois parlé de fraudes qui s’étaient produites, surtout aux élections prudhomales, d’ailleurs. La technique la plus simple consistait à profiter d’une absence du Président pour bourrer les urnes, ou bien à profiter de l’ouverture de l’urne pour y ajouter des bulletins cachés dans les manches des assesseurs. 

Je n’ai personnellement jamais été témoin de ce genre de choses, et j’ai toujours oeuvré, lorsque je présidais un bureau de vote, pour empêcher ce genre de manipulations. 

Mais le lecteur notera qu’il s’agit là de fraudes pour pieds nickelés qui ne sont pas de nature à entâcher le résultat final des élections présidentielles d’une irrégularité telle qu’elles devraient être annulées. 

Un processus public et contrôlé

Il faut préciser que chacune des étapes du dépouillement, depuis la proclamation des résultats dans le bureau lambda jusqu’à la proclamation des résultats des élections présidentielles par le Conseil Constitutionnel, fait l’objet de procès-verbaux publics détaillés. Tout est donc, en principe, traçable et contrôlable par n’importe quel citoyen. 

Chaque étape est par ailleurs contrôlée par des scrutateurs délégués soit par les listes ou les candidats, soit par le Préfet, pour éviter les combinazioni entre listes dans des bureaux spécifiques. 

On peut reprocher au ministère de l’Intérieur de ne pas faciliter la transparence complète du processus en rendant accessible (au sens informatique du terme) les résultats bureau par bureau, pour que chaque citoyen intéressé puisse refaire chez lui, sur un tablau Excel, le comptage des voix. La vérification du résultat final est un peu plus fastidieuse… et donc peut prêter à fantasme. 

Dans tous les cas, ce système de publicité rend impossible des trucages massifs du type : Lassalle est deuxième dans les urnes, avec 18% des voix, mais termine dans les derniers selon le comptage du Ministère de l’Intérieur. 

De mon point de vue (bien connu de mes amis), ceux qui font courir ce genre de rumeurs ou de croyance sont les membres d’une cinquième colonne chargée de ridiculiser l’opposition et de nourrir une toxique sphère complotiste qui sert les intérêts de la doxa majoritaire. Ils méritent d’être sévèrement punis. 

La chambre noire de l’informatique centrale

Est-ce à dire que tout est parfaitement clair dans notre processus électoral ? Si l’on peut dire qu’il n’existe pas de fraude massive et qu’en aucun cas Emmanuel Macron ne sera affiché favori au premier tour avec 28% des voix, alors qu’il n’en aurait recueilli que 5 ou 6%, il existe des étapes faibles dans notre processus électoral, qu’il ne sert à rien de nier. 

Cette étape tient surtout aux phases informatiques, et naît de problèmes techniques difficilement soupçonnés par le grand public. 

Pour l’illustrer, il ne me paraît pas inutile de publier ici une circulaire du ministère de l’Intérieur de 1998 sur l’informatisation des résultats électoraux (en l’espèce, ceux des européennes) :

Contrairement à ce que beaucoup croient, les services de l’Etat ne sont pas une forteresse parfaitement rodée, dirigée par dix cerveaux qui contrôlent tout. L’action publique est percluse de problèmes techniques, de difficultés humaines, de tests, d’essais, de difficultés, d’imprévus, qui sont autant d’obstacles pour la mise en place d’une fraude massive. 

Il y a 25 ans, le problème se posait déjà, avec des errements et des balbutiements qui expliquent que les organisateurs des élections se préoccupent d’abord de faire en sorte que les résultats remontent, bien avant de songer à les truquer. 

S’agissant des élections présidentielles de 2022, une circulaire de 2021 fixe les règles du jeu et rappelle le caractère public et vérifiable de tous les résultats. 

Vous pouvez la lire ici :

Les règles du jeu sont donc “carrées” et laissent peu de place à la tentation d’une fraude massive qui truquerait les résultats. Si celle-ci intervenait, on comprend que, dans le temps, elle risquerait d’être démasquée sans trop de difficultés. 

La question des procurations et des machines à voter

S’il existe des marges de trucage, elles sont donc très limitées. 

Certains ont parfois considéré que les procurations pouvaient donner lieu à des trucages. La règle est que les votes par procuration sont dépouillés comme les autres, dans les mêmes conditions de publicité. 

Là encore, on n’imagine mal que d’éventuelles fraudes ponctuelles sur des procurations se transforment en un système industriel qui permette de truquer le résultat final. 

S’agissant des machines à voter, la question est plus compliquée, puisque, par définition, il n’existe aucune traçabilité vérifiable publiquement entre le vote exprimé et le résultat final. 

Je sais que cette question est uritcante et épidermique pour beaucoup. Je note, en lisant le Monde, que seules 63 communes sur plus de 36.000 utilisent des machines à voter, soit 1,3 million d’électeurs. 

En outre, le vote par correspondance n’est toujours pas autorisé en France, alors que c’est cette technique qui a surtout permis à Donald Trump de dénoncer des fraudes électorales. 

Dans tous les cas, si les résultats électoraux dans les communes utilisant le vote électronique divergeaient massivement du reste du pays, on peut imaginer que les candidats lésés auraient les moyens de contester l’élection. 

La fraude, un risque faible

Bref, une analyse à froid montre que l’hypothèse d’une fraude massive aux élections en France est farfelue et comporterait de tels risques de crise politique ouverte qu’on imagine mal des fonctionnaires du ministère de l’Intérieur s’y essayer. 

La théorie selon laquelle les élections seraient truquées depuis 40 ans dans l’indifférence générale ne paraît plus sérieuse. Imagine-t-on Nicolas Sarkozy, ancien ministre de l’Intérieur être battu par François Hollande en 2012 au terme d’une fraude qu’il n’aurait pas dénoncée ?

En l’état actuel du processus électoral, il nous semble donc raisonnable d’écarter l’hypothèse de résultats truqués à nos élections présidentielles. C’est particulièrement vrai lorsque l’écart de voix entre les candidats est très important. 

Ainsi, en 2012, il avait manqué plus de 3 millions de voix à Marine Le Pen pour arriver au second tour, et il avait manqué plus d’un million de voix à Nicolas Sarkozy pour gagner le deuxième tour, soit 3% du corps électoral. 

En 2017, Emmanuel Macron avait totalisé un million de voix de plus que Marine Le Pen, laquelle avait obtenu 400.000 voix de plus que François Fillon, et 600.000 voix de plus que Mélenchon. 

Compte tenu des enjeux de l’époque, il paraît peu probable que les candidats éliminés au premier tour n’aient pas soulevé des suspicions de fraude s’il y en avait eu. On se souvient ici que la fraude avait plutôt porté sur l’opération de déstabilisation dont François Fillon a été la victime durant l’hiver précédent les élections. 

Au deuxième tour de 2017, Emmanuel Macron a obtenu deux fois plus de voix que Marine Le Pen, soit 10 millions. Il est absolument certains qu’une fraude portant sur 10 millions de voix ne passerait pas inaperçue en France, et ouvrirait une crise de régime. 

L’abstention : la vraie question

De mon point de vue (absolument catégorique), la question de la fraude électorale est un rideau de fumée, qui ne doit pas dissimuler la vraie question : celle de l’abstention et du poids réel des candidats dans l’opinion. 

La France compte près de 48 millions d’électeurs. 

Emmanuel Macron a gagné le premier tour de 2017 avec 8,6 millions de voix, c’est-à-dire un gros 15% du corps électoral. 

Au second tour, il a recueilli 20,7 millions de voix, soit 42% d’électeurs, alors qu’il était face à Marine Le Pen entourée d’un “cordon sanitaire”. 

Si l’abstention devait encore augmenter en 2022, comme l’a indiqué Gérard Larcher, le Président du Sénat, c’est la question de sa légitimité qui serait posée. 


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