À quoi jouent les États-Unis et l’Allemagne ?, réponse par Thierry Meyssan

 De : https://www.voltairenet.org/article218261.html

À quoi jouent les États-Unis et l’Allemagne ?



Sous nos yeux, l’Allemagne, qui vient de perdre son approvisionnement en gaz russe et ne pourra en obtenir au mieux que le sixième en Norvège, s’enfonce dans la guerre en Ukraine. Elle devient la plaque-tournante des actions secrètes de l’Otan qui agit, en définitive, contre elle. Le conflit actuel est particulièrement opaque lorsque l’on ignore les liens entre les straussiens US, les sionistes révisionnistes et les nationalistes intégraux ukrainiens.

La guerre en Ukraine agit comme un leurre. Nous ne voyons qu’elle et avons oublié le conflit majeur dans laquelle elle se situe. Du coup, nous ne comprenons pas ce qui se passe sur le champ de bataille, ni ne percevons correctement la manière dont le monde se réorganise et particulièrement la manière dont le continent européen évolue.

Tout a commencé avec l’arrivée de Joe Biden à la Maison-Blanche. Il s’est entouré d’anciens collaborateurs qu’il avait connus durant sa vice-présidence : les straussiens [1]. Cette petite secte varie de couleur politique, soit républicain, soit démocrate, selon le parti du président en exercice. Ses membres, presque tous juifs, suivent l’enseignement oral de feu Leo Strauss. Ils sont convaincus que les hommes sont méchants et les démocraties faibles. Plus : elles n’ont pas été capables de sauver leur peuple de la Shoah et ne le seront pas plus la prochaine fois. Ils pensent qu’ils ne pourront survivre qu’en constituant eux-mêmes une dictature et en conservant le contrôle. Dans les années 2000, ils avaient constitué le Project for a New American Century. Ils avaient appelé de leurs vœux un « Nouveau Pearl Harbor » qui choquerait tant les esprits des États-uniens qu’ils parviendraient à leur imposer leurs vues. Ce furent les attentats du 11 septembre 2001.

Ces informations sont choquantes et difficiles à admettre. Il existe pourtant quantités d’ouvrages considérés comme sérieux sur ce sujet. Surtout, la progression des Straussiens depuis 1976, date de la nomination de Paul Wolfowitz [2] au Pentagone, jusqu’à aujourd’hui confirme largement les pires inquiétudes. En Europe, les Straussiens ne sont pas connus, mais les journalistes qui les soutiennent le sont. On les qualifie de « néo-conservateurs ». Il faut reconnaître que jamais les intellectuels juifs n’ont soutenu cette minuscule secte juive.

Reprenons notre récit. En novembre 2021, les straussiens ont envoyé Victoria Nuland sommer le gouvernement russe de se ranger derrière eux. Mais le Kremlin leur a répondu en proposant un Traité garantissant la paix, c’est-à-dire en contestant non seulement le projet straussien, mais aussi la prétendue politique de sécurité des États-Unis [3]. Le président Vladimir Poutine a remis en cause l’extension de l’Otan à l’Est, qui menace son pays, et la manière dont Washington ne cesse d’attaquer et de détruire des États, notamment au « Moyen-Orient élargi ».

Les straussiens ont alors délibérément provoqué la Russie pour la faire sortir de ses gonds. Ils ont encouragé les « nationalistes intégraux » ukrainiens à bombarder leurs compatriotes du Donbass et à préparer une attaque simultanée du Donbass et de la Crimée [4]. Moscou, qui n’avait aucune confiance dans les Accords de Minsk et se préparait, depuis 2015, à un affrontement mondial, a jugé que le moment était venu. 300 000 soldats russes sont entrés en Ukraine pour « dénazifier » le pays [5]. Le Kremlin considère à juste titre que les « nationalistes intégraux « , qui avaient fait alliance avec les nazis durant la Seconde Guerre mondiale, en partagent toujours l’idéologie raciale.

Là encore, ce que j’écris est choquant. Les livres de référence des nationalistes ukrainiens n’ont jamais été traduits dans les langues occidentales, y compris le Nationalisme de Dmytro Dontsov. Si personne ne sait ce que Dontsov a fait durant la Seconde Guerre mondiale, tout le monde connaît les crimes de ses disciples, Stepan Bandera et Iaroslav Stetsko. Ces gens furent tout dévoués au chancelier Adolf Hitler. Ils favorisèrent et parfois supervisèrent l’assassinat d’au moins 1,7 millions de leurs compatriotes, dont 1 million de juifs. Au premier abord, il paraît difficile de les croire alliés aux straussiens et au président juif Zelensky comme l’a déclaré le ministre russe des Affaires étrangères, Sergueï Lavrov. En effet, le Premier ministre israélien, Naftali Bennett, a immédiatement pris position contre eux [6]. Il conseilla même au président Zelensky d’aider les Russes à en nettoyer son pays. Le rapport de force est tel que son successeur, Yaïr Lapid, tout en partageant les idées de Bennett et en refusant de fournir des armes à l’Ukraine, tient un discours atlantiste. Cependant, nous nous souvenons que Paul Wolfowitz présida à Washington un important congrès avec des ministres ukrainiens. Il s’y engagea à soutenir le combat des nationalistes intégraux contre la Russie [7].

Pourtant les liens entre les « nationalistes intégraux" ukrainiens et les « sionistes révisionnistes » de l’Ukrainien Vladimir Jabotinsky sont historiques. Ils négocièrent un accord, en 1921, selon lequel ils s’uniraient contre les Bolchéviques. Compte tenu de la longue succession de pogroms que les « nationalistes ukrainiens » avaient déjà perpétrés, la révélation de cet accord, une fois que Jabotinsky eut été élu au Comité directeur de l’Organisation sioniste mondiale, provoqua un rejet unanime de la diaspora juive. Le Polonais David ben Gourion, qui reprit en main la milice de Jabotinsky en Palestine, le qualifia de « fasciste « et de « peut-être nazi ». Par la suite, Jabotinsky s’exila à New York où il fut rejoint par un autre Polonais, Bension Netanyahu, le père de Benjamin Netanyahu, qui devint son secrétaire particulier [8].

Après la Seconde Guerre mondiale, le maître à penser Dontsov et les deux assassins en chef, Bandera et Stetsko, furent récupérés par les Anglo-Saxons. Le premier fut exilé au Canada, puis aux États-Unis malgré son passé d’administrateur de l’institut Reinhard Heydrich en charge de la coordination de la « solution finale » [9], tandis que les deux autres le furent en Allemagne pour travailler sur la radio anticommuniste de la CIA [10]. Après l’assassinat de Bandera, Stetsko devint le co-président (avec Tchang Kaï-chek) de la Ligue anticommuniste mondiale dans laquelle la CIA réunit ses dictateurs et criminels préférés, dont Klaus Barbie [11].

Revenons à notre propos. Les straussiens n’ont que faire de l’Ukraine. Ce qui les intéresse, c’est la domination du monde et donc l’abaissement de tous les autres protagonistes : de la Russie [de la Chine] et des Européens. C’est ce que Wolfowitz écrivait en 1992 en qualifiant ces puissances de « compétiteurs », ce qu’elles ne sont pas [12].

Les Russes ne s’y trompent pas. C’est pourquoi il ont envoyé fort peu de troupes en Ukraine. Trois fois moins que l’armée ukrainienne. Il est donc stupide d’interpréter leur lenteur comme une déconvenue alors qu’ils se réservent pour l’affrontement direct avec Washington.

Intervenant le 16 octobre à l’occasion d’une prestation de serment de volontaires, le Premier ministre hongrois, Viktor Orbán, a déclaré : « Quiconque pense que cette guerre se terminera par des négociations russo-ukrainiennes ne vit pas dans ce monde. La réalité est différente ». Selon lui, seule une négociation états-uno-russe peut y mettre fin.

Aujourd’hui, les straussiens ont poussé au sabotage des gazoducs Nord Stream. Contrairement à ce que prétendent certains, il ne s’agit pas de casser l’économie russe, qui a d’autres clients, mais l’industrie allemande qui ne peut pas s’en passer [13]. Normalement Berlin aurait dû réagir face au crime de son suzerain. Que nenni ! C’est tout le contraire. Dès l’arrivée d’Olaf Scholtz à la Chancellerie, son gouvernement a mis en place un vaste système visant à « harmoniser les nouvelles » [14]. Il est supervisé par la ministre de l’Intérieur, la sociale-démocrate Nancy Faeser. Tous les médias russes s’adressant à un public occidental ont été interdits par les « démocraties » à partir du 24 février 2022, c’est-à-dire à partir de l’application par l’armée russe de la résolution 2202 du Conseil de sécurité. Désormais, en Allemagne, citer cette résolution et partager l’interprétation russe est assimilé à de la « propagande ». Il est très étonnant de voir les Allemands saborder eux-mêmes leurs institutions. Au XX° siècle, l’Allemagne qui avait été le phare des Sciences et des Techniques avant la Première Guerre mondiale est devenue en quelques années un pays aveugle qui a commis les pires crimes. Au XXI° siècle, alors que son industrie était la plus performante au monde, l’Allemagne s’aveugle à nouveau sans raison. Les Allemands entérinent eux mêmes leur chute au profit de la Pologne, celle de l’Union européenne au profit de l’Initiative des trois mers (Intermarium) [15].

De leur côté, les straussiens utilisent leurs privilèges en Allemagne. Les bases militaires US y disposent d’une extra-territorialité complète et le gouvernement fédéral n’a pas le droit de limiter leur activité. Ainsi, lorsque en 2002, le chancelier Gerhard Schröder s’opposa à la guerre des straussiens au Moyen-Orient, il ne put pas empêcher le Pentagone d’utiliser ses installations en Allemagne comme bases arrières de son invasion et de sa destruction de l’Iraq.

C’est à Ramstein (Rhénanie-Palatinat) que le Groupe de contact de Défense de l’Ukraine s’est réuni. Les délégués de la cinquantaine d’États invités, après avoir été racketés pour doter Kiev d’une multitude d’armes ont eu droit à des explications sur le Concept du fonctionnement de la Résistance (Resistance Operating Concept — ROC). Il s’agit de réactiver pour la énième fois les réseaux stay-behind mis en place à la fin de la Seconde Guerre mondiale [16]. À l’époque, ils furent d’abord créés par la CIA états-unienne et le MI6 britannique, avant d’être intégrés dans l’Otan. Les anciens nazis et les « nationalistes intégraux » ukrainiens en furent la principale composante.

Le réseau stay-behind actuel est coordonné depuis 2013 par l’Otan sur sa base de Stuttgart-Vaihingen (Bade-Wurtemberg) où résident les Forces spéciales US pour l’Europe (SOCEUR). Il s’agit de créer un gouvernement en exil et d’organiser des sabotages sur le modèle de ce que firent le général Charles De Gaulle et le préfet Jean Moulin durant la Seconde Guerre mondiale. Otto C. Fiala y a ajouté les manifestations non-violentes testées par le professeur Gene Sharp dans le bloc de l’Est, puis lors des « révolutions colorées » [17]. Rappelons que, contrairement à ce qu’il prétendit, Gene Sharp a toujours travaillé pour l’Alliance atlantique [18]. La première manifestation du Stay-behind ukrainien a eu lieu le 8 octobre avec le sabotage du pont de Crimée, sur le détroit de Kertch.

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