Émilie et Jérôme, éleveurs de bovins : « On ne s’en sort plus »

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25 janvier 2024

Absence d’aides, angoisse des fins de mois... Jérôme et Émilie, éleveurs près de Toulouse, ne tirent aucun revenu de leur travail. Ils ont rallié le mouvement de contestation qui s’amplifie dans la région.

Samouillan (Haute-Garonne), reportage

La brume enveloppe encore les coteaux du petit village de Samouillan, à environ 70 kilomètres de Toulouse, en cette matinée du 24 janvier. Sur le bord de la départementale, Jérôme Delas et sa compagne Émilie sont déjà auprès de leurs bêtes.

Une soixantaine de limousines, à la robe rouge feu et leurs veaux patientent dans l’étable. Certaines passent leur tête à travers le cornadis. « Dès qu’on peut, on les sort de l’étable pour les faire paître, on les aime trop pour les garder à l’intérieur toute l’année », lance Jérôme Delas, vêtu de sa veste sans manches floquée « Éleveur » dans le dos. Avec Émilie, ils ont repris il y a cinq ans la ferme qui appartenait au père de Jérôme, ainsi que l’exploitation de son oncle. « En tout, on a 100 hectares, affirme l’agriculteur, qui fait également de la polyculture. On ne pensait pas que ce serait si dur. Mon père n’en dort plus, il a l’impression de nous avoir fait un cadeau empoisonné. »

Depuis quelque temps, le couple ne s’en sort plus. Les charges, les frais vétérinaires — « 48 euros, rien que pour le déplacement ! » —, l’achat de matériel agricole, les assurances, mais également les aléas de la vie font que cette exploitation, comme des milliers d’autres en France, est en difficulté. « Notre seul capital est ici. Ce sont nos bêtes, notre matériel agricole, mais sinon, on ne touche presque rien. On se lève le matin avec le compte à 0. On ne se sort aucun revenu à la fin du mois alors qu’on est deux sur l’exploitation, heureusement qu’on a pas trop de crédits », lance Émilie, amère.

Émilie : « Entre les normes, les mails qu’on ne comprend pas, les factures, les pavés à remplir, on ne s’en sort plus. » © Alain Pitton / Reporterre

Pour faire face à cette situation, elle avait décidé il y a quelque temps d’exercer un emploi en dehors de l’exploitation, en tant que taxi. Depuis un accident, elle souffre d’épilepsie et a dû arrêter ce métier. « Finalement, notre seule source de revenus, c’est les 900 euros que me verse la Sécurité sociale pour cet accident. » « D’autant qu’on a aucun jour de repos. On s’accorde deux jours de vacances dans l’année et, même sur la plage, Émilie pense aux vaches », raconte l’agriculteur d’un ton plus léger.

Des aides pour « combler le trou »

Dans l’étable voisine, des génisses s’agitent en voyant le couple s’approcher. « Ce sont des vaches plutôt calmes normalement, elles ressemblent généralement à leur maître », lance Jérôme, accompagné de son accent du Sud-Ouest.

Dans la région, plusieurs élevages de bovins, dont celui de Jérôme et Émilie, ont été touchés par la MHE, la maladie hémorragique épizootique. Même si l’État s’est engagé fin 2023 à venir en aide aux agriculteurs touchés, Jérôme n’y croit pas. « On doit faire des prises de sang pour toutes nos vaches et nos veaux à nos frais, cela coûte une fortune et cette maladie pose d’autres problèmes, notamment pour la fertilité. On ne sait pas comment estimer tout ce qu’on va perdre et les compensations promises sont trop floues. »

Malgré les difficultés, « on ne quitterait cet endroit pour rien au monde », insiste Jérôme. © Alain Pitton / Reporterre

Le couple touche également des subventions de la PAC, « juste suffisantes pour combler le trou et payer quelques factures », assure-t-il. « Cela demande une paperasse énorme, poursuit Émilie, je suis une agricultrice moi, pas une secrétaire. Entre les normes, les mails qu’on ne comprend pas, les factures, les pavés à remplir, on ne s’en sort plus. »

Derrière la ferme, le soleil chasse légèrement la brume. Suffisant pour laisser apparaître la chaîne des Pyrénées. « On est des amoureux de notre terroir et de nos bêtes, on ne quitterait cet endroit pour rien au monde », glisse l’éleveur.

« Il n’y aura bientôt plus d’agriculteurs en France »

Face à ces frais qui s’accumulent et à la précarité du métier, Émilie et Jérôme ont décidé de se mobiliser avec d’autres agriculteurs de la région en bloquant l’A64 au niveau de Carbonne, à quelques kilomètres de la ferme.

Pour faire entendre leurs revendications et surtout pour échanger avec d’autres exploitants, ils ont rejoint le barrage le 23 janvier et comptent y revenir. « Parfois, on a l’impression que c’est de notre faute si on est dans cette situation, qu’on fait mal notre métier, glisse Émilie, en tentant de refouler ses larmes. Avec cette mobilisation, on voit bien qu’on est pas les seuls dans cette galère. »

Jérôme : « Tout ce qu’on demande, c’est de pouvoir vivre de notre travail comme la majorité des gens. » © Alain Pitton / Reporterre

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