Méditations sur un enfant amputé de six ans rampant à travers Gaza à l'aide d'un patin à roulettes

De :  https://caitlinjohnstone.com.au/2024/12/15/meditations-on-a-six-year-old-amputee-crawling-through-gaza-with-the-help-of-a-roller-skate/

Via : Réseau International 

Ce génocide dure depuis si longtemps que les enfants amputés qui vivent partout à Gaza apprennent des stratégies pour survivre sans leurs membres.

Caitlin Johnstone

15 décembre 2024

C'est drôle de voir ce qui vous arrive quand vous êtes témoin du cauchemar de Gaza, parmi toutes les horreurs que vous voyez là-bas au quotidien. Aujourd'hui, j'ai vu une vidéo d'un petit garçon palestinien de six ans, dont les jambes avaient été amputées, se traînant dans son camp de tentes à l'aide d'un patin à roulettes porté sur une de ses mains, et cela m'a presque anéanti. 

C'était un de ces rollers en ligne qui sont apparus dans les années 90. On les appelait des rollers. Les petits garçons occidentaux jouaient avec pendant les étés pleins de joie et de rires, écorchant les genoux et tachant l'herbe. Aujourd'hui, un petit garçon nommé Mohammad Saeed en utilise un pour l'aider à se déplacer dans la poussière, car ses jambes ont été arrachées par des explosifs militaires occidentaux, lancés par des Israéliens qui jouaient probablement avec des rollers en ligne quand ils étaient petits.

Ce génocide dure depuis si longtemps que les enfants amputés qui vivent partout à Gaza apprennent des stratégies pour survivre sans leurs membres.

Une étude récente a révélé que pratiquement tous les enfants de Gaza ont désormais le sentiment que leur mort est imminente, et la moitié des personnes interrogées ont déclaré qu’elles souhaitaient mourir. 

Mais leur vie continue. Même avec des membres manquants, souvent amputés sans morphine ni anesthésie , leur vie continue. Ils rampent dans des camps de tentes boueux, et trouvent un moyen de survivre chaque jour.

C'est le genre de chose qui pourrait vous inspirer si vous étiez simplement le témoin passif d'une situation au lieu d'être une situation que la structure de pouvoir occidentale sous laquelle vous vivez inflige activement à la population. Pour ceux d'entre nous qui vivent sous l'ombre de l'empire centralisé par les États-Unis, c'est un peu plus compliqué émotionnellement qu'une histoire inspirante sur l'esprit indomptable du peuple palestinien, car c'est aussi une histoire sur la façon dont nous n'avons pas réussi à empêcher que cela se produise.

Quand nous regardons Mohammed Saeed ramper dans la poussière sur ses moignons à l’aide d’un patin à roulettes, nous voyons notre propre civilisation se refléter dans notre esprit. Une dystopie génocidaire de faillite morale totale. Voilà ce que nous sommes devenus. Voilà ce que nous avons permis à nos dirigeants de faire de nous.

Oh Mohammed, je suis vraiment désolé. Je suis vraiment désolé que nous ayons permis que cela arrive. Je suis désolé que tes jambes t'aient été enlevées, et je suis désolé pour tout ce qui t'a été enlevé en plus. Tes parents peut-être. Tes frères et sœurs peut-être. Certainement certains êtres chers. Évidemment ta maison, et évidemment ton enfance.

Je n'ai rien à offrir en ce moment, ni à mes lecteurs ni à Mohammed Saeed, à part ma propre tristesse. Certains jours, tout ce que l'on peut faire, c'est s'ouvrir le cœur sur le sol et avertir les passants de ne pas glisser dessus, les larmes coulant sur le trou béant de notre poitrine. 

Rien de tout cela n'est juste, et je n'ai pas envie de prétendre que c'est juste. Je n'ai pas envie d'essayer de donner une tournure positive à la situation ou de dire que tout va s'arranger. Certaines choses sont tout simplement horribles, et il est normal de se sentir mal à leur sujet. Les sentiments sont faits pour être ressentis. C'est triste, c'est rageant, c'est honteux, c'est accablant, et absolument rien d'autre.

Nous vivons dans un monde d'une beauté à couper le souffle et d'une sauvagerie à couper le souffle. Des explosions d'amour se cachent derrière chaque molécule dans une société dirigée par de véritables monstres. 

Nous sommes assez grands pour accueillir ces paradoxes. Nous sommes assez grands pour ressentir la majesté de la création et le coup de poing dans l’estomac du génocide. L’amour humide, juteux et bâclé pour nos semblables et l’horreur de la cruauté dont nous pouvons faire preuve les uns envers les autres. L’euphorie de la vie sur cette étrange planète bleue et le chagrin écrasant des échecs successifs pour améliorer un peu les choses ici.

Dans ce monde, les bons comme les mauvais ont le droit de s'épanouir. C'est clair. Je n'ai pas de réponse ni de remède miracle à cela. Nous faisons de notre mieux pour être des gens honnêtes et traverser chaque journée. Nous prenons nos patins et nous rampons.