Des failles dans le “Dôme”, ou le mirage sécuritaire d’Israël

De : https://www.mondialisation.ca/des-failles-dans-le-dome-ou-le-mirage-securitaire-disrael/5691433?

Le “Dôme de fer”, entaché de défaillances techniques & de scandales sanitaires, trahit une illusion d'invulnérabilité face aux salves de missiles sophistiqués et massifs de l'Axe de la Résistance.


Le Dôme de fer, présenté comme le bouclier de défense le plus efficace d’Israël, a été conçu pour projeter une image de sécurité et de supériorité technologique. Promu comme un système de défense aérienne mobile de pointe, il devait symboliser une barrière impénétrable protégeant l’État d’occupation des menaces extérieures.

Cependant, la réalité révèle une image bien différente : comme un enfant en costume de chevalier – impressionnant contre les épées en plastique mais totalement sans défense contre les armes réelles – le Dôme de fer n’excelle principalement que contre les armes relativement rudimentaires de la résistance palestinienne à Gaza.

L’image soigneusement élaborée par Israël de son arme de défense la plus prisée s’inscrit dans le cadre d’un projet d’image de marque plus général, qui s’appuie sur des techniques mises au point par Edward Bernays. L’État d’occupation s’est positionné comme une société cosmopolite, progressiste et démocratique – en contraste frappant avec les États voisins d’Asie occidentale, qu’il dépeint comme violents et répressifs.

Le Dôme de fer n’est pas seulement un système de défense, mais aussi une structure psychologique conçue pour renforcer l’image d’une entité invulnérable constamment menacée par des voisins moins éclairés.

Un bouclier qui s’effrite au nord

Malgré sa réputation, les performances du Dôme de fer ont souvent laissé à désirer. De nombreuses vidéos ont fait surface, montrant des dysfonctionnements– les missiles Tamir effectuant des manœuvres erratiques, explosant à proximité de zones civiles ou étant déclenchés par de fausses alarmes et causant des dégâts aux infrastructures.

Ces échecs contrastent fortement avec les affirmations d’Israël selon lesquelles le taux d’interception serait de 90 à 99 %. Le professeur émérite Theodore Postal du Massachusetts Institute of Technology (MIT) propose une évaluation très différente.

“Je dirais que le taux d’interception est au mieux de 4 ou 5 %”,

a déclaré M. Postal dans une interview accordée au Boston Globe en octobre dernier.

Dans une étude publiée en 2018 dans le Journal of Global Security Studies, Michael Armstrong remet également en question le taux d’interception de 90 à 99 % annoncé pour le Dôme de fer. Pour commencer, il précise que

“le taux d’interception est le pourcentage de roquettes détruites avant qu’elles n’atteignent les zones défendues ; il ne tient pas compte des roquettes qui survolent les zones non défendues.”

En d’autres termes, le système de défense ne cible, d’emblée, qu’une petite partie des roquettes tirées. Par exemple, des responsables israéliens ont affirmé que sur les quelque 1 000 projectiles tirés sur Israël par le Hamas lors de de l’opération Pillar of Defense de novembre 2012, le Dôme de fer a identifié les deux tiers comme “ne constituant pas de menace”, et n’a intercepté que 90 % des 300 roquettes restantes. M. Armstrong souligne d’autres lacunes dans les calculs des partisans du Dôme de fer :

“L’analyse empirique suggère que les batteries du Dôme de fer ont intercepté moins de 32 % de toutes les roquettes dangereuses pendant Pillar of Defense, mais entre 59 et 75 % pendant Protective Edge … Les calculs suggèrent en outre que le nombre de roquettes frappant des zones peuplées pendant Pillar of Defense pourrait avoir été sous-estimé. Par contre, les menaces pesant sur les zones habitées pourraient avoir été surestimées. Cela implique que le taux d’interception effectif du Dôme de Fer pourrait avoir été significativement inférieur à ce qui a été rapporté.”

La situation est particulièrement grave dans le nord des territoires occupés, où la ville de Kiryat Shmona – une colonie que l’on croyait protégée par le Dôme de fer – a vu sa population fuir les menaces croissantes.

Des milliers d’habitants ont abandonné leurs maisons, exposant les failles que le Dôme de fer était censé combler. Le Hezbollah ayant élargi ses règles d’engagement, le nombre de personnes déplacées risque d’augmenter, mettant encore plus en évidence les insuffisances du système.

Alors qu’Israël s’efforce désespérément de multiplier ses options de défense, les nouvelles solutions s’avèrent tout aussi défaillantes, laissant la population exposée par un système de défense qui n’est plus à la hauteur du mythe. Le bouclier autrefois vanté est en train de se désintégrer, et avec lui, le récit soigneusement construit de l’invincibilité étayant depuis longtemps la stratégie de sécurité d’Israël.

La malédiction du Dôme de Fer

Sous l’apparente efficacité du Dôme de fer israélien se cache une réalité plus sombre, plus inquiétante, qui menace non seulement le mythe de l’invincibilité, mais aussi la vie des personnes chargées de faire fonctionner ce bouclier. Une enquête menée en 2021 par Yediot Ahronoth a révélé de graves allégations concernant les risques sanitaires encourus par les soldats d’occupation stationnés à proximité des puissants systèmes radar du Dôme de fer.

Ces systèmes radar, surnommés “le broyeur” et “le grille-pain” par ceux qui travaillent à proximité, émettent une chaleur intense, transformant leur environnement en un invisible creuset. Plusieurs soldats ont livré des témoignages poignants sur des maladies potentiellement mortelles qu’ils estiment liées à leur service.

Ran Mazur, à qui l’on a diagnostiqué un cancer des os un an après sa démobilisation, a décrit les souffrances atroces qui l’ont rongé pendant son service, souffrances que les médecins militaires ont trop rapidement écartées.

Yonatan Chaimovich a comparé l’expérience vécue à proximité du radar à un corps qui “bouillait de l’intérieur”, une métaphore obsédante qui illustre les dangers invisibles de leur exposition. Shir Tahar et Omer Hili Levy, qui ont tous deux développé un cancer après leur service, font partie de ceux qui pensent que leur maladie est indissociablement liée au temps passé à l’ombre du Dôme de fer.

Malgré ces témoignages, l’armée israélienne a toujours nié l’existence d’une augmentation inhabituelle des taux de cancer parmi le personnel du Dôme de fer. Elle affirme que ses protocoles étendus de surveillance et de sécurité n’ont révélé aucune différence significative en termes de morbidité entre les soldats du Dôme de fer et ceux des autres unités militaires.

Mais les chiffres racontent une autre histoire : en 2011, sur 240 soldats engagés dans trois cycles d’entraînement au Dôme de fer, au moins six ont développé un cancer pendant ou peu après leur service – une statistique qui soulève des questions sur les véritables enjeux de l’exploitation de ce système de défense.

Depuis le 7 octobre, aucune nouvelle enquête ne s’est risquée à découvrir combien de membres des forces d’occupation israéliennes ont été victimes de la menace silencieuse des tumeurs au cours de cette dernière vague de conflit.

Des illusions high-tech

Si le Dôme de fer n’était pas truffé de défauts, les stratèges militaires israéliens ne s’empresseraient pas d’explorer d’autres solutions pour maintenir l’illusion d’invulnérabilité de l’État. Les salves de Katyusha du Hezbollah, bien qu’apparemment primitives, ont été tactiquement déployées pour submerger le Dôme de fer et localiser ses emplacements, obligeant Israël à reconsidérer sa stratégie de défense.

C’est ainsi qu’est apparu le “Magen Or”, ou Faisceau de Fer, dont le nom se traduit par “Bouclier de Lumière” en hébreu. Développé par Rafael Advanced Défense Systems, il représente la dernière tentative de l’État d’occupation de garder une longueur d’avance sur l ‘Axe de résistance et expose l’insécurité croissante d’Israël.

Contrairement au Dôme de fer, qui s’appuie sur des missiles intercepteurs coûteux (environ 50 000 dollars pièce), le Faisceau de fer prétend neutraliser les menaces à l’aide d’un laser très puissant, un concept tout droit sorti de la science-fiction.

Cependant, le Faisceau de fer est encore largement expérimental et n’a pas été testé en situation de combat réel. Déployé sur le front de Gaza à la fin de l’année 2023, il doit encore faire ses preuves en tant que système de défense fiable dans le chaos de la guerre.

Le choix d’Israël pour la technologie laser, comme Magen Or, s’inscrit dans une tendance plus large de l’industrie de la défense, motivée non seulement par l’innovation, mais aussi par des aides substantielles des États-Unis. Ces fonds étrangers, acheminés par de puissants lobbies tels que l’AIPAC et J Street, contribuent à donner d’Israël l’image d’une puissance technologique.

Pourtant, cette image est moins un témoignage de l’ingéniosité nationale qu’un produit des vastes ressources financières souvent consacrées à des projets coûteux qui risquent de ne pas résister à l’épreuve d’un conflit réel.

Des risques à fort enjeu

La portée du Faisceau de fer est limitée à une dizaine de kilomètres et faiblit dans des conditions météorologiques défavorables – un talon d’Achille qui pourrait s’avérer désastreux en cas de conflit à grande échelle. Le système a besoin de grandes quantités d’énergie, fournies par un gros générateur, pour produire les faisceaux laser nécessaires à son fonctionnement.

Ce défi logistique et la nécessité de maintenir une infrastructure sophistiquée font que le Faisceau de fer semble voué à l’échec dans des conditions de combat réelles.

L’orientation de Tel-Aviv vers des technologies de pointe telles que le Faisceau de fer révèle un problème plus profond au sein de sa stratégie militaire. En se concentrant sur des défenses high-tech, Israël s’attaque aux symptômes plutôt qu’aux causes profondes du conflit en cours. La dépendance à l’égard de technologies non éprouvées comporte le risque d’un échec désastreux, en particulier lorsqu’elle est combinée à la récente évolution d’Israël vers des stratégies plus risquées.

Le système de guerre électronique Scorpius G, autre dispositif de pointe vanté par Israël, ajoute à la complexité de la situation. Développé par Israel Aerospace Industries (IAI), Scorpius G est conçu pour détecter, classer, localiser et brouiller les systèmes radar avancés.

Toutefois, tout comme le Faisceau de fer, les performances de Scorpius G sur le terrain n’ont pas encore été prouvées, illustrant ainsi la précarité de la position de défense d’Israël, qui pourrait à terme le rendre particulièrement vulnérable dans sa quête précipitée d’un avantage stratégique.

Alors que l’Axe de la Résistance de la région poursuit ses opérations avec précision et efficacité, et que les colons israéliens des territoires occupés sont confrontés à des évacuations massives, le poids de la pression exercée sur ces nouveaux systèmes de défense est colossal.

La question de savoir s’ils fourniront la protection annoncée ou s’ils s’effondreront face à la pression demeure ouverte, avec des conséquences potentiellement désastreuses pour la sécurité et la stabilité d’Israël.

Anis Raiss

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