Affront à la transparence : les raisons de la « Kohler ». Une plainte contre X déposée pour subornation de témoin.

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Auteur(s)
Xavier Azalbert, France-Soir
Publié le 14 avril 2025 - 13:00
Mis à jour le 15 avril 2025 - 05:37
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Les raisons de la KohlerAffront à la transparence : les raisons de la « Kohler »
AFP

Oui, la colère, celle des Français.

Pourquoi ? Parce qu’Alexis Kohler, alors secrétaire général de l’Élysée de 2017 à avril 2025, s’est permis de refuser de comparaître devant la commission d’enquête sénatoriale sur l’affaire Nestlé Waters. Ce scandale, mêlant santé publique et soupçons de complaisance de l’État, soulève des questions brûlantes. Son refus, qualifié de délit par la loi, n’a curieusement entraîné ni poursuites du parquet ni action ferme de la commission, présidée par le sénateur Laurent Burgoa. Pourquoi cette inaction ? Et que cache ce silence ?

L’affaire Nestlé Waters : un scandale sanitaire et politique

L’affaire Nestlé Waters, révélée entre 2021 et 2024, concerne des pratiques illégales dans la production d’eaux minérales (Vittel, Perrier, Hépar, Contrex). Nestlé a reconnu avoir utilisé des techniques de microfiltration interdites, contournant les normes sanitaires, et dissimulé ces faits aux consommateurs. Ce scandale, qualifié de « fraude massive » par des ONG comme Foodwatch, a mis en lumière des failles dans la régulation française.

Des soupçons de complaisance impliquent des ministères (Industrie, Santé), supervisés à l’époque par l’Élysée, où Kohler jouait un rôle clé de coordination. Avec 3 000 emplois en France et une part de marché significative, Nestlé Waters est un acteur économique majeur, mais ses pratiques ont érodé la confiance des consommateurs, déjà marquée par une défiance record : 71 % des Français doutent de l’action du gouvernement (sondage France-Soir/BonSens.org).

Kohler était attendu pour éclairer la commission sur les échanges entre l’exécutif et Nestlé, notamment sous l’égide d’Agnès Pannier-Runacher, alors ministre de l’Industrie. Son refus de témoigner prive les Français de réponses cruciales.
 

Une obligation légale bafouée

L’ordonnance n° 58-1100 du 17 novembre 1958 relative au fonctionnement des assemblées parlementaires, modifiée par la loi n° 2017-1241 du 8 août 2017, est limpide. Son article 6 dispose :

« Toute personne dont une commission d’enquête a jugé l’audition utile est tenue de déférer à la convocation qui lui est délivrée, si besoin est, par un huissier ou un agent de la force publique, à la requête du président de la commission. La personne qui ne comparaît pas ou refuse de déposer ou de prêter serment devant une commission d’enquête est passible de deux ans d’emprisonnement et de 7 500 euros d’amende. Le refus de communiquer les documents visés au deuxième alinéa du II est passible des mêmes peines. Les poursuites prévues au présent article sont exercées à la requête du président de la commission ou, lorsque le rapport de la commission a été publié, à la requête du bureau de l’assemblée intéressée. »

Haut fonctionnaire et proche collaborateur d’Emmanuel Macron, Alexis Kohler ne peut ignorer cette obligation. Pourtant, il a choisi de s’y soustraire, invoquant une séparation des pouvoirs sans fondement juridique. Plus troublant, ni Laurent Burgoa (sénateur LR, président de la commission) ni Alexandre Ouizille (sénateur socialiste, rapporteur) n’ont requis l’intervention de la force publique pour le contraindre, comme la loi les y autorise. Ils se sont contentés de protestations publiques, sans suite concrète. Est-ce une hésitation, une complaisance, ou une volonté de laisser l’affaire s’enliser, comme tant d’autres commissions avant elle (Benalla, Outreau, comptes publics) ?
 

La séparation des pouvoirs : une excuse fallacieuse

L’argument de Kohler, qui brandit la séparation des pouvoirs, ne tient pas. Ce principe interdit à un pouvoir (exécutif, législatif, judiciaire) d’empiéter sur les prérogatives d’un autre, mais il est ici inopérant pour deux raisons :

  • Cadre légal clair : les commissions d’enquête parlementaires ne peuvent enquêter sur des affaires judiciaires en cours ou sur le président de la République, protégé par une immunité pénale. Rien, dans la loi, n’exempte ses collaborateurs, y compris le secrétaire général de l’Élysée, de répondre à une convocation. Prétendre le contraire est une interprétation abusive.
  • Précédents éloquents : des ministres comme Gabriel Attal, Bruno Le Maire, Élisabeth Guigou, ou Gérard Collomb ont comparu devant des commissions d’enquête (dérives budgétaires, Outreau, Benalla) sans invoquer de tels privilèges. Kohler lui-même a témoigné dans l’affaire Benalla en 2018 sans objection. Pourquoi cette exception aujourd’hui, face à un scandale impliquant Nestlé Waters, une entreprise récidiviste ?
     
Subornation de témoin : un délit en question

Le refus de Kohler, en contradiction avec ses obligations et son propre précédent, soulève une question grave : est-il sous pression ? Et si oui par qui ?

Selon l’article 434-15 du Code pénal, la subornation de témoin – c’est-à-dire le fait d’inciter une personne à se soustraire à son obligation de témoigner par des menaces, promesses, ou avantages – est punie de trois ans d’emprisonnement et de 45 000 euros d’amende.

Si des acteurs politiques, industriels, ou autres ont influencé, fait des promesses ou offerts des avantages indus à Kohler pour éviter qu’il ne révèle des informations sur la gestion de l’affaire Nestlé Waters, cela constituerait une infraction majeure relevant de la corruption ou du trafic d’influence, sapant la transparence et portant atteinte au fonctionnement démocratique.

Selon un proche de l’Élysée, le silence de Kolher découlerait « d’une volonté de protéger des informations sensibles sur les relations entre l’Élysée et les industriels ». Et il ajoute : « se soustraire aux questions de la Commission qui pourrait le mettre dans une situation plus qu’inconfortable lui permet d’éviter les questions risquant d’exposer des pratiques politiquement explosives, sinon illégales, notamment durant la période Covid et le Conseil de Défense ».

Son passage à la Société Générale en juin 2025, où il est nommé directeur général adjoint et président de la banque d’investissement, alimente les spéculations. Bien que validé par la Haute Autorité pour la transparence de la vie publique (HATVP), ce transfert, intervenu deux mois après son départ de l’Élysée, pose question. La Société Générale, marquée par l’affaire Kerviel en 2008, a tout intérêt à clarifier le rôle de Kohler dans ce scandale pour préserver sa crédibilité. Aucun lien direct n’est prouvé entre cette nomination et l’affaire Nestlé Waters, mais l’absence de transparence attise les doutes dans le public et à la Société Générale, une entreprise dont le bilan est fragilisée depuis longtemps.  Kohler chercherait-il avant tout à préserver sa crédibilité dans son nouveau rôle, où un témoignage risquerait de raviver des soupçons sur ses actions passées, même sans preuve de faute ?

Face à l’inaction du parquet, qui dépend hiérarchiquement du garde des Sceaux et semble freiner des poursuites dans des affaires politiquement sensibles (Benalla, McKinsey), une plainte pour subornation témoin semblait s’imposer. Cette démarche, que je porte comme journaliste et citoyen, vise à demander à la justice à enquêter sur d’éventuelles pressions et à garantir que nul n’échappe à la loi. Une information qui est d'intérêt général.

Plainte contre X

Un signalement à la HATVP permettrait également vérifier si Kohler respecte les restrictions imposées à son nouveau poste, notamment l’interdiction de contacts professionnels avec d’anciens collègues comme Jean Castex ou Élisabeth Borne. Président de la RATP qu'il est, Jean Castex aura nécessairement besoin de financement pour ses projets Bus2025, prolongements du métro. Comment pourra-t-il interagir avec la Société Générale dans ce contexte ? La Société Générale s’étant déjà engagée dans le passé dans le financement de bus verts et elle a contribué au financement de l’extension du métro Grand Paris.
 

Une commission en sursis

La commission sénatoriale, créée le 4 décembre 2024 à l’initiative de sénateurs de divers groupes, ambitionne de « faire toute la lumière » sur l’affaire Nestlé Waters. Ses objectifs sont clairs :

  • Garantir la santé et l’information des consommateurs ;
  • Établir les responsabilités politiques dans la poursuite de pratiques interdites ;
  • Restaurer la confiance dans un secteur industriel clé.

Privée du témoignage de Kohler, un acteur central, et sans recours à la force publique, la commission risque d’échouer à atteindre ces ambitions d’ici sa conclusion prévue le 20 mai 2025. Comme pour Benalla ou Outreau, le bruit médiatique pourrait l’emporter sur des résultats tangibles, laissant les Français sans réponses : d’après une autre source, Kohler pourrait « parier sur l’absence de conséquences, fort du précédent MSC et d’autres affaires où l’inaction des institutions a protégé les proches du pouvoir » ce qui renforçe l’impression d’une justice défaillante.
 

Une justice à géométrie variable

Cette affaire illustre un malaise profond : une justice française dont l’indépendance est mise en doute. L’absence de poursuites contre Kohler contraste avec la rigueur affichée dans des affaires moins sensibles politiquement. Ce deux poids, deux mesures rappelle d'autres scandales, comme la relaxe controversée d’un accusé de violences conjugales à Castres en février 2025, malgré des preuves médicales. La victime, Malika Daoust, a interpellé Emmanuel Macron, qui a invoqué la séparation des pouvoirs sans agir, laissant ses engagements sur les violences faites aux femmes sonner creux.

Le silence du parquet dans l’affaire Kohler, sous l’autorité du ministère de la Justice, évoque des précédents, où des proches du pouvoir ont échappé à l’examen, comme dans les soupçons autour des cabinets de conseil (McKinsey). Cette perception d’impunité alimente une défiance massive : 72 % des Français estiment que le gouvernement n’agit pas dans leur intérêt, et 75 % jugent la corruption trop répandue (échantillon représentatif de 1200 Français 27-28 mars 2025 MISGroup pour France-Soir/BonSens.org).

Sondage FS

Un scandale dans un scandale : l’opacité des élites

Le refus de Kohler s’inscrit dans un contexte plus large d’interrogations sur l’intégrité des élites françaises. Son rôle dans l’affaire MSC, où des soupçons de conflits d’intérêts liés à ses liens familiaux avec l’armateur italo-suisse ont été classés sans suite en 2019, avait déjà alimenté les doutes sur sa probité.

Les soupçons autour de la déclaration de patrimoine d’Emmanuel Macron en sont un autre exemple frappant. De 2009 à 2014, Macron a perçu environ 3,3 millions d’euros bruts, principalement chez Rothschild, mais sa déclaration de 2014 ne faisait état que de 200 000 euros nets, suscitant des doutes. La HATVP a jugé cette déclaration « exacte » en 2017, mais sans dissiper toutes les questions. En 2021, son patrimoine bondissait à 548 000 euros, attribué aux indemnités présidentielles, néanmoins l’absence de bien immobilier reste atypique pour un dirigeant de son rang.

Ce décalage, même validé par la HATVP, alimente l’idée d’une opacité orchestrée, où les liens entre pouvoir et intérêts industriels prospèrent à l’abri des regards. L’affaire Nestlé Waters, avec ses relents d’« entente politico-industrielle », prolonge ce climat de défiance. Quand Kohler refuse de témoigner, il renforce ce sentiment d’impunité, consacrant ainsi sa « loyauté » envers Emmanuel Macron, évitant ainsi de révéler des arbitrages internes qui terniraient l’image de l’exécutif.

Tableau : Évolution du patrimoine d’Emmanuel Macron

Patrimoine Macron
Sources : Analyse France-Soir (HATVP, Anticor, Le Monde, Challenges, Legifrance).

Que retenir de ce théâtre ?
  • Un Alexis Kohler qui bafoue ouvertement une obligation légale claire : ayant déjà comparu devant une Commission d'enquête parlementaire (affaire Benalla) en tant que secrétaire général de l'Élysée, il invoque fallacieusement une séparation des pouvoirs qu'il sait pertinemment être un argument totalement sans fondement en l'espèce, ce qui devrait le rendre coupable de refus de comparaître devant une Commission d'enquête parlementaire. Une infraction pénale punie de deux ans d'emprisonnement commise en flagrant délit encore actuellement, en ce que son refus de comparaître persiste durant cette période toujours en cours, où la Commission d'enquête parlementaire n'est pas terminée.
  • Une commission d’enquête qui proteste sans agir, laissant l’exécutif fouler aux pieds les principes démocratiques.
  • Un parquet silencieux, cautionnant une justice à deux vitesses, comme en témoignent les affaires Kohler, Daoust, ou McKinsey.
  • Une Société Générale qui, en accueillant Kohler, risque d’entacher sa réputation sans exiger la clarté sur son rôle.

Ce scandale dépasse l’affaire Nestlé Waters ou un simple refus de comparution. Il révèle un système où l’impunité des élites semble couler à flot, tandis que les citoyens – qu’ils soient victimes de violences, consommateurs floués, ou contribuables indignés – sont noyés sous des justifications bancales. L’illégitimité de cet ordre établi n’a jamais été aussi criante.


Un appel à l’action

Reste à savoir qui paiera l’addition de cet imbroglio. La vérité est la première victime, mais elle peut être défendue. Une plainte pour subornation de témoin, déposée ce jour, vise à demander fermement à la justice à enquêter sur les pressions potentielles pesant sur Kohler. Et, d'autres actions sont à l'étude afin que la pleine lumière soit faite sur cette affaire. Mais, l’action ne s’arrête pas là. Chaque citoyen peut contribuer :

  • Interpeller vos élus pour exiger des comptes.
  • Soutenir les initiatives demandant transparence et justice.
  • Partager ces faits pour briser le mur du silence.

Stop. Cessons de tolérer ces rouages qui déforment la réalité. Exigeons une justice qui agit – pour les victimes, pour la santé publique, pour la démocratie. La vérité ne peut plus attendre.

Commentaires

  1. "Dans les yeux des affamés se lit une colère grandissante. Dans leur âme les raisins de la colère sont chaque jour plus gros et plus lourds, et la vendange ne saurait tarder."
    Au cœur de l’Oklahoma des années 1930, les petits exploitants agricoles se font racheter de force leurs terres et sombrent dans la misère. Mais, miracle, l’appel de la Californie retentit : ses fruits savoureux à cueillir, son coton à récolter et son grand besoin de main-d’œuvre.
    Toute la famille Joad se serre dans un pick-up pour atteindre cet eldorado avec le rêve d’y faire fortune. Parviendra-t-elle seulement à échapper à la faim ?
    https://www.babelio.com/livres/Steinbeck-Les-raisins-de-la-colere/2986

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