Israël utilise des drones suicides contre des rassemblements de familles déplacées
Aux premières heures du 17 avril, quatre enfants ont été tués par une frappe de drone dans le centre de Gaza. Leurs corps calcinés et déchiquetés sont arrivés à l'hôpital Shuhada'a Al-Aqsa de Deir al-Balah. Selon des témoins, ils jouaient près de tentes installées pour les familles déplacées lorsqu'un drone israélien a survolé la zone. Quelques instants plus tard, il a explosé.
Il ne s'agit pas de drones ordinaires. Ils sont conçus pour tuer, non pour repérer ou surveiller, mais pour identifier les rassemblements humains et les faire exploser en plein vol. Ce sont des drones suicides, ou ce qu'Israël appelle des « munitions rôdeuses ». Leur utilisation à Gaza marque une évolution inquiétante de la guerre menée par l'occupation : impersonnelle, rentable et meurtrière, avec une responsabilisation minimale.
Rotem L : une arme conçue pour les massacres urbains
En 2018, Israel Aerospace Industries (IAI) a testé son drone suicide « Rotem L » dans le sud de la Palestine occupée. Conçu pour les environnements urbains denses comme Gaza, ce drone a été développé spécifiquement pour cibler les rassemblements de personnes. Petit, rapide et mortel, il est conçu pour être piloté par un seul soldat. Le système peut être déployé en moins d'une minute.
Équipé d'une ogive de 6,5 kilogrammes, le drone Rotem L vole silencieusement pendant 45 minutes, à la recherche de sa cible. Une fois verrouillé, il s'écrase directement sur des êtres humains. C'est une bombe volante guidée par IA et bénéficiant d'une surveillance minimale. Il peut être « rappelé » ou « redirigé », offrant aux opérateurs israéliens un démenti plausible lorsque des enfants sont tués. Or, souvent, ce n'est pas le cas.
IAI ne s'est pas arrêté au Rotem L. L'entreprise a également développé Harop, un drone kamikaze alliant la précision d'un missile à la furtivité d'un drone, et le Green Dragon, une munition tactique rôdeuse destinée aux petites unités d'infanterie. Ces systèmes sont dotés de moteurs silencieux, d'une longue durée de vol et d'une capacité de ciblage précise. Mais à Gaza, « précision » se traduit souvent par une « dénégation plausible » des crimes de guerre.
Un drone pour chaque soldat, une mort pour chaque tente
Ce qui rend les drones suicides particulièrement dangereux, c'est leur côté pratique. Ils se passent de pilotes. N'importe quel soldat, avec quelques heures d'entraînement, peut les lancer, les piloter et tuer. Pas de chaîne de commandement, pas de délai, pas d'hésitation dans le cockpit. À Gaza, cela se traduit par des attaques spontanées contre des rassemblements, notamment des camps de réfugiés, des files d'attente pour l'aide humanitaire et des tentes familiales.
Israël affirme que ses drones peuvent distinguer les visages. Si cela était vrai, la décision de frapper des rassemblements de civils déplacés serait encore plus sinistre. Ces drones ne sont pas une « erreur ». Ils sont délibérés. Leurs victimes ne sont pas des « dommages collatéraux ». Elles sont ciblées.
Depuis octobre 2023, les drones suicides survolent de plus en plus le ciel de Gaza. Parfois ils observent, parfois ils tuent. Leur présence constante crée une terreur psychologique. Combattants comme civils savent qu'ils peuvent devenir mortels en un instant. Sans avertissement. Sans issue.
Un crime de guerre déguisé en innovation
Le droit international humanitaire interdit les attaques qui ne font pas la distinction entre civils et combattants. Les drones suicides, de par leur conception même, remettent en cause ce principe juridique. Ils s'appuient sur des capteurs et des algorithmes pour décider du moment opportun pour frapper. Mais aucun capteur ne peut mesurer l'innocence. Aucune IA ne peut faire la différence entre un enfant et un combattant lorsqu'ils sont tous deux blottis sous des bâches en plastique.
Les juristes mettent en garde contre les lacunes croissantes en matière de responsabilité : les attaques suicides de drones se produisent souvent sans surveillance publique, sans chaîne de commandement claire ni examen externe. Les décès de civils sont balayés du revers de la main, considérés comme des « erreurs techniques ». Les enquêtes sont rares et, lorsqu'elles ont lieu, elles sont internes et classifiées.
Le déploiement par Israël de drones suicides au-dessus des camps de déplacés illustre l'instrumentalisation de la technologie pour occulter les crimes de guerre. Sans images de cockpit susceptibles d'être divulguées, sans témoignage de pilote et sans procédure de responsabilité, la guerre par drones offre à Israël un moyen de tuer anonymement – et à répétition.
Bon marché, mortel et exportable
Une autre raison du recours croissant aux drones suicides par Israël est d'ordre économique. Contrairement aux avions de chasse et aux missiles qui nécessitent des composants importés, les drones comme le Rotem L sont fabriqués en interne. Leur production est peu coûteuse et ils peuvent être lancés en grand nombre. Certains drones peuvent même être transportés dans un sac à dos, permettant ainsi à des escadrons d'infanterie entiers de mener leurs propres frappes aériennes.
Les organismes internationaux de surveillance des armements ont déjà critiqué les exportations israéliennes de drones. Plusieurs pays ont annulé ou reconsidéré des contrats d'armement après avoir constaté l'utilisation de ces drones à Gaza. Mais au lieu de freiner la production, Israël a redoublé d'efforts, qualifiant l'utilisation de drones suicides de « guerre de précision ».
Les résultats parlent cependant d’eux-mêmes : une mort massive, des familles détruites et une génération d’enfants de Gaza grandissant à l’ombre de machines bourdonnantes qui font pleuvoir la mort sans prévenir.
Les drones ne « ratent » pas leur cible : ils sont conçus pour tuer.
La propagande israélienne affirme que ses frappes de drones sont chirurgicales. Mais les images de Gaza contredisent cette affirmation : enfants calcinés, tentes déchiquetées, membres de familles calcinés qui cherchaient simplement un abri.
L'affirmation de « précision » est un écran de fumée. En réalité, les drones suicides s'inscrivent dans une stratégie plus vaste visant à éroder le tissu social de Gaza – pour transformer ne serait-ce que quelques instants de répit en une condamnation à mort potentielle. En normalisant cette nouvelle méthode de guerre, Israël écrit un nouveau chapitre dans l'histoire des crimes de guerre modernes.
L'image sélectionnée provient de Countercurrents
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